L'ancien putschiste Muhammadu Buhari a remporté mardi la présidentielle au Nigeria contre le sortant Goodluck Jonathan, lors de l'élection la plus serrée de l'histoire du pays le plus peuplé d'Afrique.
La victoire de M. Buhari, reconnue par M. Jonathan, constitue la première alternance démocratique au Nigeria, marquant un tournant majeur dans l'histoire politique agitée de ce pays qui a connu six coups d'Etat militaires depuis l'indépendance, en 1960, et qui a été gouverné par le même parti depuis la fin des dictatures militaires, il y a 16 ans.
Avec l'annonce tard dans la soirée de mardi au siège de la Commission nationale électorale indépendante (Inec) de sa victoire écrasante dans l'Etat de Borno, épicentre de l'insurrection islamiste de Boko Haram, M. Buhari remporte 21 Etats des 36 que compte la fédération nigériane. Il compte 2,57 millions de voix d'avance sur Jonathan.
Sans tarder, l'Union européenne a "chaleureusement félicité" mardi soir la victoire du candidat de Buhari.
Dans un pays où les dissensions politiques attisent souvent des tensions ethniques et religieuses, entraînant de sanglantes émeutes post-électorales, le vote, qui s'est déroulé dans le calme, n'a pas donné lieu à des violences majeures pour l'instant qui pouvaient être craintes.
Et le groupe islamiste Boko Haram, qui a multiplié les attentats-suicides dans le nord, ces dernières semaines, et qui avait juré de perturber cette élection, n'est pas parvenu à empêcher le processus électoral.
Des milliers de Nigérians sont descendus dans les rues de Kano, la plus grande ville du nord musulman, pour célébrer la victoire de celui qu'ils ont plébiscité avec près de deux millions de voix --contre un peu plus de 200.000 pour Jonathan dans cet Etat--, a constaté un journaliste de l'AFP.
Une nuée de scooters et de voitures tous feux allumés faisaient des rodéos avec leurs engins, dans un nuage gaz d'échappement. Des femmes voilées scandaient ?Juste Buhari!" en choeur dans la foule.
Nombre d'entre eux brandissaient des balayettes, le symbole du parti de Buhari, le Congrès progressiste (APC), qui s'est engagé à lutter contre des années de mauvaise gouvernance et de corruption.
Des jeunes écrasaient des fédoras noirs? le chapeau que M. Jonathan porte en toute occasion ? portant des valises sur leurs têtes alors que des gens chantaient "Pars de Aso Rock!?, la villa présidentielle nigériane.
A Kaduna, dans le centre du Nigeria, où des affrontements entre chrétiens et musulmans avaient fait près d'un millier de morts lors de la défaite de M. Buhari à la présidentielle de 2011, la foule exultait elle aussi, mardi soir, après avoir retenu son souffle tout le week-end dans l'attente des résultats de la présidentielle.
- Première alternance démocratique -
Le Nigeria, première économie du continent, qui compte 69 millions d'électeurs inscrits sur 173 millions d'habitants, a voté ce week-end pour élire, outre le président, les 109 sénateurs et les 360 députés du pays que compte le Parlement.
Malgré les couacs techniques, dûs à l'utilisation de lecteurs de cartes électorales biométriques pour la première fois, qui ont engendré de longues files d'attente devant les bureaux votes, et la menace d'attentats islamistes, les Nigérians ont été voter en masse pour faire entendre leur mécontentement, notamment sur les questions de sécurité et sur la corruption.
A Lagos, la capitale économique et la plus grande ville du pays, où Buhari a remporté la présidentielle, des feux d'artifices ont été lancés dans le quartier populaire d'Obalende, et les partisans du nouveau président ont laissé exploser leur joie dans les rues, à pied, dans des triporteurs et même à cheval.
A Abuja, une foule compacte dansait devant le QG de campagne de l'APC.
"Il s'agit de la première alternance démocratique de l'histoire du Nigeria. Il n'est pas question de musulman ou de chrétien, ou même de parti politique. Cela montre aux politiciens que s'ils ne font pas leur job, on peut les mettre dehors", s'est enthousiasmé Anas Galadima, qui faisait partie de la fête.
Pour le commentateur politique Chris Ngwodo, la victoire de M. Buhari "instaure une suprématie () de l'électorat", dans un pays où bien souvent, la bataille était gagnée d'avance pour le président sortant.
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