Le candidat de l'opposition nigériane, Muhammadu Buhari, largement plébiscité dans le nord, sa région d'origine, et le président sortant, Goodluck Jonathan, étaient lundi soir au coude à coude pour la présidentielle dont l'annonce des résultats devait se poursuivre mardi matin.
Le Nigeria, première économie du continent, qui compte 69 millions d'électeurs inscrits sur 173 millions d'habitants, a voté ce week-end pour élire, outre le président, les 109 sénateurs et les 360 députés que compte le Parlement.
Selon les premiers résultats officiels dans 18 des 36 Etats nigérians et dans la capitale fédérale, annoncés lundi soir par des délégués de la Commission électorale indépendante (Inec), l'ancien général Buhari, 72 ans, est donné vainqueur dans 10 Etats, le président Jonathan, 57 ans, remportant le scrutin dans huit autres et dans la capitale fédérale.
M. Buhari a notamment devancé M. Jonathan de 1,7 million de voix dans l'Etat de Kano, le plus peuplé du nord musulman, qui a été la cible de nombreux attentats du groupe islamiste Boko Haram.
Mais M. Jonathan bénéficie pour sa part d'importants soutiens dans ses fiefs du sud chrétien, dans un pays aux fractures religieuses et ethniques très marquées.
En fin de soirée, M. Buhari devançait M. Jonathan d'environ deux millions de voix.
L'annonce des résultats de cette présidentielle, la plus serrée de l'histoire du Nigeria, a été interrompue vers 22h30 GMT et doit reprendre mardi à 09h00 GMT.
Des violences ont commencé à éclater dès dimanche, dans l'Etat pétrolier de Rivers (sud), où le Congrès progressiste (APC) de M. Buhari accuse l'Inec et le Parti démocratique populaire (PDP) de M. Jonathan de fraudes électorales.
Suite à une manifestation de plusieurs milliers de personnes dimanche, 2.000 militantes de l'APC, réunies lundi matin devant l'Inec à Port-Harcourt, la capitale de Rivers, pour réclamer la tenue de nouvelles élections, ont été dispersées à coup de gaz lacrymogène.
Les marches de protestations se sont poursuivies tout au long de la journée de lundi, jusqu'à l'instauration d'un couvre-feu pour la nuit.
Le président de l'Inec, Attahiru Jega a promis qu'il examinerait toutes les plaintes, poursuivant son objectif de mener à son terme un scrutin "libre, juste et crédible, dans le calme".
D'autres violences sont redoutées à l'annonce des résultats, comme lors de la présidentielle de 2011 où près d'un millier de personnes avaient été tuées.
Redoutant de nouveaux affrontements, l'Union africaine (UA) a appelé à recourir "aux moyens légaux existants au cas où il y aurait contestation des résultats" de ces élections, qui ont, selon elle, respecté "les principes continentaux des élections démocratiques".
A Kaduna, grande ville du centre du Nigeria submergée par les violences entre chrétiens et musulmans en 2011, "les gens ont peur", confie une commerçante, Elizabeth Anthony. A l'époque, plusieurs centaines de chrétiens avaient été tués après que le candidat musulman, l'ex-général Muhammadu Buhari, avait été déclaré perdant face au chrétien Goodluck Jonathan.
"Si le président Jonathan est déclaré vainqueur, et non le général Buhari () je peux vous dire que Kaduna va s'embraser" à nouveau, a prévenu lundi Awwal Abdullahi Aliyu, le président de l'Union pour l'unité du peuple du Nord et la réconciliation.
- Inquiétudes de Washington et Londres -
Washington et Londres ont fait part de leur inquiétude au sujet de "possibles interférences politiques" dans le décompte des voix au niveau régional.
En marge des négociations sur le programme nucléaire iranien à Lausanne, le secrétaire d'Etat américain John Kerry et le secrétaire au Foreign Office britannique Philip Hammond ont estimé qu'il n'y a pas "eu pour le moment de manipulation systématique du processus" électoral, mais ont fait état d'"indications inquiétantes que le processus de rassemblement des votes - pour être comptés - peut être sujet à des interférences politiques délibérées".
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