Les Nigérians, qui ont massivement voté ce week-end, retenaient leur souffle lundi, la tension allant crescendo alors que les premiers résultats partiels de la présidentielle, publiés au compte-goutte, donnaient le président sortant Goodluck Jonathan et son principal rival Muhammadu Buhari au coude-à-coude.
Selon les premiers résultats dans huit des 36 Etats nigérians et dans la capitale fédérale, annoncés lundi après-midi par des délégués de la Commission électorale indépendante (Inec), M. Buhari est pour l'instant donné vainqueur dans cinq Etats, M. Jonathan remportant le scrutin dans trois autres et dans la capitale fédérale.
M. Jonathan bénéficie cependant d'une légère avance en nombre de suffrages exprimés --moins de 20.000 voix pour l'instant. D'autres résultats devaient être annoncés plus tard dans la soirée.
Des violences ont commencé à éclater dès dimanche, dans l'Etat pétrolier de Rivers (sud), où le Congrès progressiste (APC) de M. Buhari accusent l'Inec et le Parti démocratique populaire (PDP) de M. Jonathan de fraudes électorales.
Suite à une manifestation de plusieurs milliers de personnes dimanche, 2.000 militantes de l'APC, réunies lundi matin devant l'Inec à Port-Harcourt, la capitale de Rivers, pour réclamer la tenue de nouvelles élections, ont été dispersées à coup de gaz lacrymogène.
Les marches de protestations se sont poursuivies tout au long de la journée de lundi, jusqu'à l'instauration d'un couvre-feu pour la nuit.
Le président de l'Inec, Attahiru Jega a promis qu'il examinerait toutes les plaintes, poursuivant son objectif de mener à son terme un scrutin "libre, juste et crédible, dans le calme".
Des violences sont redoutées à l'annonce des résultats, comme lors de la présidentielle de 2011 où près d'un millier de personnes avaient été tuées.
A Kaduna, grande ville du centre du Nigeria submergée par les violences entre chrétiens et musulmans en 2011, "les gens ont peur", confie une commerçante, Elizabeth Anthony. A l'époque, plusieurs centaines de chrétiens avaient été tués après que le candidat musulman, l'ex-général Muhammadu Buhari, avait été déclaré perdant face au chrétien Goodluck Jonathan.
"Si le président Jonathan est déclaré vainqueur, et non le général Buhari () je peux vous dire que Kaduna va s'embraser", a prévenu lundi Awwal Abdullahi Aliyu, le président de l'Union pour l'unité du peuple du Nord et la réconciliation.
- Mises en garde de Washington et Londres -
Washington et Londres ont fait part de leur inquiétude au sujet de "possibles interférences politiques" dans le décompte des voix au niveau régional.
En marge des négociations sur le programme nucléaire iranien à Lausanne, le secrétaire d'Etat américain John Kerry et le secrétaire au Foreign Office britannique Philip Hammond ont estimé qu'il n'y a pas "eu pour le moment de manipulation systématique du processus" électoral, mais ont fait état d'"indications inquiétantes que le processus de rassemblement des votes - pour être comptés - peut être sujet à des interférences politiques délibérées".
Ces craintes sont "sans fondement" et "il n'y aucune preuve d'interférence politique", a rétorqué très rapidement la Commission électorale indépendante nigériane (Inec).
Le porte-parole de campagne de M. Jonathan, Femi Fani-Kayode, a déclaré à la presse, à Abuja, qualifiant ces propos de "balivernes absolues" et demandant à MM. Kerry et Hammond d'apporter les preuves de ce qu'ils avancent.
Il n'y a "aucune indication (d'interférence) au quartier-général (de l'Inec). Mais à un niveau régional" dans les centres de dépouillement, a précisé de son côté la secrétaire d'Etat adjointe américaine pour l'Afrique, Linda Thomas-Greenfield.
Au Nigeria, le vainqueur doit obtenir, outre la majorité des suffrages exprimés, au moins 25% des voix dans les deux tiers des 36 Etats de la fédération auxquels s'ajoute le territoire de la capitale fédérale, Abuja.
Face aux risques de violences postélectorales, l'Union africaine (UA) a appelé à recourir "aux moyens légaux existants au cas où il y aurait contestation des résultats" de ces élections, qui ont, selon elle, respecté "les principes continentaux des élections démocratiques".
Le Nigeria, première économie du continent, qui compte 69 millions d'électeurs inscrits sur 173 millions d'habitants, a voté ce week-end pour élire, outre le président, les 109 sénateurs et les 360 députés du pays que compte le Parlement.
Pour la première fois, les électeurs étaient identifiés par des lecteurs d'empreintes digitales, censés prévenir les fraudes des scrutins précédents. Les Nigérians se sont mobilisés massivement pour voter samedi. Mais 348 bureaux, sur 150.000, ont dû rouvrir dimanche à cause de problèmes de machines biométriques ou d'acheminement du matériel électoral, selon l'Inec.
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