La justice a ouvert une enquête sur des soupçons de fraude dans l'emploi des assistants d'eurodéputés du Front national, payés par le budget du Parlement européen.
Déjà confronté à une information judiciaire sur le financement de ses campagnes, le parti d'extrême droite voit un nouveau front s'ouvrir avec cette enquête préliminaire, lancée par le parquet de Paris le 24 mars et confiée à l'Office anticorruption de la police judiciaire (OCLCIFF), ont précisé lundi à l'AFP des sources proches du dossier.
Les soupçons portent sur les conditions dans lesquelles sont employés et payés 20 assistants frontistes au Parlement européen, car leurs noms apparaissent aussi sur le dernier organigramme du parti en France, ce qui laisse supposer qu'ils pourraient être affectés à d'autres tâches tout en étant rémunérés par les fonds européens.
Cette situation a conduit la présidence du Parlement européen à saisir l'organisme antifraude de l'Union européenne, l'Olaf, et à transmettre le dossier à la justice française. Le Parlement avait rappelé le 9 mars que ces salaires "ne peuvent () financer des contrats établis avec des groupes politiques du Parlement ou des partis politiques".
"On ne peut pas être payé par le Parlement européen et travailler pour un parti", avait résumé le président du Parlement, le socialiste Martin Schulz, répondant à la patronne du FN Marine Le Pen qui l'avait accusé d'organiser une "vaste manipulation politique", "sur instruction", selon elle, du Premier ministre Manuel Valls.
"C'est la suite logique", a réagi auprès de l'AFP Edouard Ferrand, chef de la délégation FN au Parlement européen. Pour lui, il s'agit d'une "persécution" à laquelle son parti va "réagir de manière juridique". "On n'a rien à se reprocher."
- Abus de confiance -
Principal enjeu pour les enquêteurs: déterminer si le FN rémunère effectivement des cadres avec des fonds réservés aux activités du Parlement européen, en les employant de manière fictive à Strasbourg. Ce détournement pourrait constituer un d'abus de confiance.
En annonçant avoir lancé des investigations, le Parlement européen avait détaillé ses soupçons. Quatre assistants "accrédités" (à Strasbourg ou Bruxelles) apparaissent dans l'organigramme du parti. C'est le cas aussi de 16 assistants locaux, censés être basés dans les circonscriptions d'élection de leur eurodéputé.
Parmi ces derniers, "dix ont conclu un contrat de travail qui indique comme adresse d'exécution l'adresse du siège du FN à Nanterre", expliquait l'instance européenne.
"De plus, la description de leur fonction contractuelle avec le député diffère en tout point de la nature des fonctions détaillées" au FN. Et "toujours selon cet organigramme, certains assistants ne travaillent pas pour le député auquel ils sont liés par un contrat de travail", s'étonnait le Parlement.
L'instance ajoutait qu'au-delà des vingt noms apparaissant sur l'organigramme, neuf autres cas posaient problème.
Le FN réfute toute irrégularité. Dans une note interne pour ses cadres, consultée par l'AFP, la formation assure que son organigramme "ne préjuge en rien du statut des personnes qui y figurent" ni de leurs activités politiques.
"Certains sont des () salariés à plein temps du parti, d'autres sont à temps partiel, partageant leurs activités professionnelles entre le parti et le député qu?ils assistent (en particulier lorsque ce député occupe au sein du FN des fonctions exécutives), la plupart enfin sont des bénévoles", poursuit la note.
Le FN était arrivé en tête en France aux élections européennes de 2014, avec 24,86%, ce qui lui avait permis de passer de trois sièges à 23.
Chaque député européen dispose d'une enveloppe mensuelle de 21.377 euros pour rémunérer et défrayer ses collaborateurs.
Dans les couloirs du Parlement européen, plusieurs députés avaient reconnu que la procédure déclenchée contre le FN pourrait cependant conduire à des "dégâts collatéraux" pour d'autres partis. Notamment en ce qui concerne les assistants "locaux", pour lesquels il est moins aisé de contrôler le caractère réel des prestations exercées.
"C'est possible que ça oblige à des ajustements ailleurs aussi", avait ainsi concédé à l'AFP une eurodéputée socialiste française, Pervenche Bérès.
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