Sanctionner les prostituées ou leurs clients? Le débat démarre lundi au Sénat, où sera examinée la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la prostitution, dans une version fortement remaniée par rapport au texte initial adopté en décembre 2013 à l'Assemblée.
Quelques centaines de prostituées, en majorité des Chinoises et des transgenres sud-américaines, ont défilé samedi à Paris pour s'opposer à ces deux alternatives, refusant toute pénalisation.
Alors que la proposition de loi prévoyait d'abroger le délit de racolage instauré par Nicolas Sarkozy, et d'instaurer en contrepartie la pénalisation des clients, la commission spéciale du Sénat a bouleversé la donne mercredi: elle a réintégré le délit de racolage, pourtant décrié par les associations sur le terrain, et a rejeté toute sanction des clients.
Le texte initial prévoyait de punir l'achat d'acte sexuel d'une contravention de 1.500 euros.
Cette mesure a le soutien des associations prônant l'abolition de la prostitution (Mouvement du Nid, Fondation Scelles, etc.), et du gouvernement. Mais le sujet divise l'opinion publique et au sein même des groupes parlementaires.
Des associations de prostituées (Strass, Bus des femmes, etc.) et d'autres qui leur viennent en aide (Act-up, Médecins du Monde) combattent cette mesure, craignant de voir les prostituées poussées vers la clandestinité et encore plus à la merci des rares clients. Certaines prostituées s'inquiètent de perte de revenus.
Pour les défenseurs du texte initial, inspirés par l'exemple de la Suède qui pénalise les clients depuis 1999, il faut dissuader la demande et renverser les responsabilités, en considérant les prostituées comme des victimes, et non plus comme des délinquantes.
Pour ce faire, le texte prévoyait en contrepartie de supprimer le délit de racolage, une promesse de campagne de François Hollande, qui fait l'unanimité des associations.
Depuis 2003 est sanctionné "le fait par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles en échange d'une rémunération". La contrevenante est passible de deux mois d'emprisonnement et de 3.750 euros d'amende.
Pour les associations, ce délit de racolage a surtout précarisé et stigmatisé les prostituées, victimes parfois de "harcèlement" et d'arrestations "abusives".
- 'Stigmatiser les prostituées de rue' -
Pourtant, déjà à l'Assemblée, les députés UMP, redoutant un appel d'air pour le trafic d'êtres humains, s'étaient opposés à toute abrogation.
Manuel Valls a aussi exprimé ses réserves, défendant un outil d'"aide à la connaissance des réseaux". "C'est un moyen d'avoir des éléments d'enquête" et "d'avoir connaissance des conditions des victimes", confirme à l'AFP un haut responsable de la police.
Faux, rétorquent les opposants au délit de racolage. Il "n'a protégé aucune victime de la traite et n'a pas permis d'arrêter plus de proxénètes", affirme la sénatrice EELV Esther Benbassa, qui a déjà défendu en 2013 un texte pour l'abroger.
"Judiciairement, le délit n'a pas été efficace", sauf "à faire s'enfuir les prostituées d'une zone visible", ajoute Yves Charpenel, de la Fondation Scelles. "Aujourd'hui, il n'a d'impact que sur une toute petite partie de la prostitution".
"Il y a des arrestations. Les filles se retrouvent en garde à vue, mais cela se termine par des rappels à la loi et des renvois vers les associations", explique Franceline Lepany, des Amis du Bus des femmes.
Au final, "cela confirme qu'il n'y a pas de volonté de venir réellement en aide aux travailleuses du sexe", estime Morgane Merteuil, du Syndicat du travail sexuel.
Pour le Mouvement du Nid, les sénateurs ne veulent tout simplement "pas toucher à l'impunité des clients +prostitueurs+".
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