Elles s'appellent Myriame ou Célia et viennent à la fac coiffées d'un foulard islamique. Un droit que certains politiques veulent remettre en cause, au grand dam de la communauté universitaire, pour qui ce choix personnel ne pose pas de problème.
Les attentats jihadistes de janvier ont suscité quelques incidents isolés sur le foulard, proscrit dans les écoles, collèges et lycées publics depuis 2004, mais pas dans l'enseignement supérieur, hormis le voile intégral (niqab ou burqa).
La scène se passe quelques jours après les attaques contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher, à l'école du barreau de Paris. Excédé qu'une étudiante porte un voile, un professeur de déontologie au pénal lance: "Ma religion à moi c'est le nudisme". "Il a alors commencé à se déshabiller, retirant sa veste, sa chemise" avant de sortir "torse nu" de la salle, raconte Paul, 26 ans, témoin de l'esclandre.
Quelques semaines plus tard, c'est sur le campus de Villetaneuse, en banlieue parisienne, qu'un intervenant en droit des assurances s'en est pris à une étudiante voilée, soutenue par ses camarades. Il a été mis fin à sa collaboration.
- 'Image déformée' -
Ce vacataire "ne donnait que six heures de cours par an, il ne peut pas parler au nom des professeurs de Villetaneuse", confie à l'AFP une intervenante en information et communication, Judith Mayer. "Cette polémique donne une image complètement déformée d'ici."
Elle en veut pour preuve la réalité du terrain: trois voiles simples (hijab) sur la centaine d'étudiants qui déferlent dans les amphithéâtres, croisant à leur passage les talons haut perchés et les mini-shorts à la mode.
"Les filles voilées ne posent aucun problème", s'exclame Fanta, en troisième année de communication, assise non loin de Célia et Myriame, coiffées d'un voile vert. "Comment oser dire qu'on va mettre des gens de côté juste pour une histoire de tissu?", s'étonne-t-elle.
"Je brandis mes convictions politiques comme d'autres leurs convictions religieuses: et alors?", s'époumone dans l'amphi Marion, 21 ans, militante dans une ONG.
Tous soulignent l'importance de faire la différence entre l'école et l'université.
Pour le président de l'université de Cergy-Pontoise, François Germinet, "le fait de pouvoir s'exprimer à l'université est très important", sans quoi "on ne peut pas devenir un citoyen éclairé". Son établissement, comme beaucoup d'autres, accueille quelques étudiantes voilées, "autant qu'il y a dix ans", dit-il sans avancer de chiffres, les statistiques religieuses étant interdites.
"En acceptant ces étudiantes telles qu'elles sont on leur permet de se construire une vie d'adulte", poursuit ce président "agacé" par les polémiques. "On nous bassine avec ça tous les six mois", peste-t-il.
La classe politique a relancé le débat ces dernières semaines, à droite mais aussi à gauche. Le député UMP des Alpes-Maritimes Eric Ciotti a déposé une proposition de loi pour bannir le voile de l'université, et le président de son parti Nicolas Sarkozy a dit son souhait d'étendre au supérieur l'interdiction en vigueur dans le primaire et le secondaire, au nom de la "cohérence". Même la secrétaire d'Etat aux Droits des femmes Pascale Boistard s'est déclarée "pas favorable" au voile à l'université, avant que le Premier ministre Manuel Valls ne la recadre en affirmant qu'une interdiction n'était "absolument pas d'actualité".
"En 2004, la commission Stasi avait bien dit que l'interdiction ne pouvait être étendue à l'université", rappelle Pierre-Henri Prélot, professeur de droit constitutionnel à Cergy-Pontoise.
Une loi poserait "un sérieux problème de constitutionnalité", relève-t-il. Pour lui, faire cours à de jeunes adultes, avec lesquels "la parole est libre", est "le seul intérêt qui nous reste à enseigner à l'université".
Une interdiction est d'autant moins envisageable que les facs sont dotées d'un statut d'autonomie par rapport aux autres services publics, en vertu de la "franchise universitaire" héritée du Moyen-Age. "L'article L 811-1 du Code de l'éducation prévoit que les usagers de l'enseignement supérieur disposent de la liberté d'expression, sous réserve de ne pas troubler l'ordre public", note Nicolas Cadène, rapporteur général de l'Observatoire de la laïcité.
Au Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), une association militante, Elsa Ray confirme la rareté des situations conflictuelles à l'université et mentionne "davantage de signalements dans les écoles supérieures privées" (commerce, ingénieurs). "Certaines se permettent d'ajouter dans leur règlement intérieur l'interdiction des couvre-chefs et des signes religieux. Dans la majorité des cas, cela se règle par un simple rappel à la loi."
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