Cinq ans après la mort par noyade de Saïd Bourarach, qui avait suscité une vive d'émotion, la justice se prononce jeudi sur le sort des quatre hommes ayant poursuivi ce vigile marocain le long du canal de l'Ourcq, en l'absence toutefois du principal accusé.
Avant de se retirer pour délibérer, la cour d'assises de Seine-Saint-Denis a entendu jeudi matin les accusés, une dernière fois.
Devant une salle comble, où de nombreuses personnes arboraient des tee-shirts "Justice pour Saïd", elle a "déploré" l'absence du principal accusé, Dan Lampel, 24 ans, qui comparaissait libre et ne s'est pas présenté jeudi.
Explosant en sanglots dans la salle des pas perdus, la veuve de M. Bourarach s'est dite "dégoûtée": "Il avait promis de ne pas fuir, j'avais demandé le mandat de dépôt".
Selon son avocat, Paul Le Fèvre, il est "terrorisé" à l'idée de retourner en prison. "Il a subi des menaces. Depuis quelques jours, des médias +à la con+ publient ses photos sur internet", a-t-il déclaré, déplorant "les gens qui gravitent autour de cette affaire et l'instrumentalisent".
L'avocate générale a requis mercredi une peine de douze ans d'emprisonnement à l'encontre de cet homme. Elle a demandé cinq ans de prison pour un autre accusé et six ans pour les deux derniers, dont l'un ne s'est jamais présenté à l'audience.
Sept jours d'audience, plus d'une dizaine de témoins cités, des souvenirs émus de la victime: la cour a étudié en détail le déroulement de la soirée du 30 mars 2010, où ce vigile d'un magasin de bricolage à Bobigny a trouvé la mort.
Pris à partie par un client qui voulait acheter un pot de peinture alors que le magasin allait fermer, ce père de famille de 35 ans avait ensuite été agressé par cet homme, armé d'une manivelle de cric, ainsi que son frère, un cousin et un ami appelés en renfort. Il avait riposté avec sa bombe lacrymogène.
Les accusés, de confession juive, sont poursuivis pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, avec usage ou menace d'une arme, en réunion". Ils encourent 20 ans de réclusion.
- 'Fantasme' du racisme -
La mine grave, ces hommes âgés de 24 à 30 ans ont semblé immatures. Minimisant les faits, se contredisant, niant avoir porté des coups, hormis un coup de poing reconnu par le principal accusé, tous ont soutenu que le vigile avait sauté dans l'eau et qu'il nageait vers l'autre rive quand ils ont quitté les lieux.
Son agression avait été abondamment commentée à l'époque, certains arguant de son "caractère raciste". Son sort a en outre été plusieurs fois évoqué par le polémiste Dieudonné, qui a fait une brève apparition au procès.
Mais l'enquête a écarté le caractère racial, retenant le motif "futile" du pot de peinture.
"Si la victime n'était pas musulmane, si les accusés n'étaient pas juifs, cela aurait pu rester un tragique fait divers et ne pas attirer l'attention médiatique. Mais ce dossier n'est pas celui du racisme ou de l'antisémitisme, nous n'en avons que le fantasme", a insisté la représentante du ministère public.
"On ne reproche pas aux accusés un mobile raciste, on ne leur reproche pas non plus d'avoir voulu la mort de ce vigile, on leur reproche des violences physiques et psychologiques qui ont causé cette mort", a poursuivi Anne Haller.
La conjonction de violences physiques et psychologiques a-t-elle entraîné la mort de Saïd Bourarach? Le verdict est attendu dans la journée.
La cour doit également choisir entre deux hypothèses: celle de l'accusation et des parties civiles, qui ont martelé que le corps de la victime portait des coups non expliqués et qu'ils avaient été portés sans témoins, et celle de la défense, qui a repris chaque minute de l'altercation pour démontrer qu'il n'y avait pas "un temps mort".
La veuve de Saïd Bourarach avait dit attendre la "justice" pour pouvoir enfin faire son deuil et que leur fils puisse grandir "dans la paix".
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