"Je n'ai pas négocié cette Légion d'honneur" pour Patrice de Maistre, l'ancien gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, et "l'embauche de mon épouse" n'en est pas la contrepartie, a martelé lundi l'ex-ministre UMP Éric Woerth, devant le tribunal correctionnel de Bordeaux où les deux hommes sont poursuivis pour trafic d'influence.
Lors de ce "deuxième procès Bettencourt" pour lequel le Parquet avait requis un non-lieu, ils encourent chacun jusqu'à 10 ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende, éventuellement assortis d'interdiction des droits civiques ou de fonction publique.
Malgré l'insistance du président du tribunal, Denis Roucou, à faire état d'éléments factuels pouvant établir la concomitance entre les deux faits, Éric Woerth, 59 ans, a constamment réfuté un possible pacte qui aurait abouti à un échange entre la Légion d'honneur (grade de chevalier) octroyée en 2007 à M. de Maistre et un emploi pour son épouse, Florence, au sein des sociétés gérant la fortune Bettencourt, dont M. de Maistre était alors directeur-général.
La Légion d'honneur et cette embauche, "ce sont deux droites parallèles, deux bons dossiers qui ne se rejoignent pas" et n'ont "strictement rien à voir", a insisté M. Woerth, qui était à l'époque trésorier de l'UMP, puis de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. En mai 2007, il deviendra ministre du Budget. Sa femme Florence sera recrutée dans la société Clymène en septembre 2007.
- Pas de contrepartie -
Pour M. Woerth, la décoration qu'obtint M. de Maistre, et qu'il assume avoir soutenue par une lettre adressée à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, "est une histoire assez banale de Légion d'honneur", "d'intervention de personnes". En l'occurrence la proposition d'un conseiller de son cabinet, qui connaît de longue date M. de Maistre, membre du "premier cercle" de donateurs de l'UMP.
"C'est à l'occasion de cette campagne que j'ai identifié les mérites de M. de Maistre", a soutenu M. Woerth. "Son profil est adéquat et adapté à la Légion d'honneur. Il la doit à son mérite et à son histoire. Il n'y a pas de contrepartie à tout ça", a-t-il martelé.
Le président a, lui, noté les incertitudes sur "le circuit qui à conduit à l'attribution" de la décoration, les "contradictions" entre les deux prévenus relevées par les juges d'instruction.
"Il y a un moment où les coïncidences ne sont que des coïncidences. Et il y a celles qui font rêver, fantasmer, délirer", a rétorqué Me Jean-Yves Le Borgne, avocat de M. Woerth.
- 'Je me suis trompé' -
M. de Maistre s'est ensuite longuement expliqué sur la procédure qui l'a emmené à recommander Florence Woerth à Liliane Bettencourt et à son époux André, encore vivant à cette époque.
Le président l'a questionné sur le profil et la rémunération de Mme Woerth qui ne correspondaient pas à ceux qu'il avait alors esquissés avec un cabinet de recrutement, finalement écarté. "On a vu 12 personnes, ce n'est pas facile de trouver quelqu'un", a-t-il répondu.
Le président a ensuite lu la retranscription d'un entretien entre M. de Maistre et Liliane Bettencourt, enregistrés par le majordome de la milliardaire, Pascal Bonnefoy. "Parlant de M. Woerth vous dites +il est très sympathique et c'est lui qui s'occupe de vos impôts, donc je trouve que ce n'est pas idiot+ d'avoir embauché sa femme, +c'est le ministre du Budget+".
"Je l'ai embauchée parce qu?on avait besoin de quelqu'un, pas parce que c'est la femme d'un ministre. Les Bettencourt n'ont pas besoin d'engager la femme d'un ministre", a-t-il répondu, ajoutant reconnaître aujourd'hui "avoir fait une erreur".
M. Roucou a ensuite poursuivi la lecture des enregistrements où M. de Maistre annonce en avril 2010 à Liliane Bettencourt "qu'on ne peut plus avoir" la femme du ministre. Celui-ci a répondu alors à la milliardaire: "Je me suis trompé quand je l'ai engagée () J'avoue que quand je l'ai fait, son mari était ministre des Finances, il m'a demandé de le faire () Je l'ai fait pour lui faire plaisir".
Gêné, M. de Maistre, a indiqué que c'était une manière de se "justifier" auprès de Mme Bettencourt.
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