L'ex-ministre sénégalais et fils de l'ancien président Abdoulaye Wade, Karim Wade, a été condamné lundi à six ans de prison ferme pour "enrichissement illicite", un verdict qui pourrait l'écarter de la prochaine présidentielle mais qu'il entend contester devant la Cour suprême.
"Karim Wade a été reconnu coupable du délit d'enrichissement illicite" et condamné à six ans de prison ferme et plus de 210 millions d'euros d'amende, selon la décision lue en l'absence du principal accusé par le président de la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI), une juridiction spéciale.
"La condamnation est politique. Depuis longtemps on veut empêcher un candidat, notre candidat, d'être présent à l'élection présidentielle", s'est insurgé Oumar Sarr, un dirigeant du Parti démocratique sénégalais (PDS), la formation d'Abdoulaye Wade, qui a désigné samedi Karim Wade pour le représenter à ce scrutin.
La prochaine présidentielle est prévue en 2019, mais le chef de l?État Macky Sall a annoncé la semaine dernière vouloir réduire par referendum, en 2016, son mandat de deux ans pour organiser le scrutin en février 2017.
Le parquet avait requis sept ans de prison ferme, plus de 380 millions d'euros d'amende, une confiscation des biens et une privation des droits civiques contre l'ancien ministre de 46 ans, en détention préventive depuis avril 2013.
Le verdict ne se prononçant pas explicitement sur la privation des droits civiques, le débat restait ouvert sur le droit pour Karim Wade d'être candidat.
"Le procureur avait fait la demande d'interdiction mais manifestement il n'a pas été suivi", a affirmé un des avocats de Karim Wade, Me Mohamed Seydou Diagne, estimant qu'il avait échappé à la privation des droits civiques en raison de sa relaxe du chef d'accusation de corruption.
"Dès cet après-midi (lundi), nous allons saisir la Cour suprême pour que le jugement soit cassé et annulé", a indiqué Me Diagne.
En revanche, d'après l'ancien ministre et avocat Abdoulaye Babou "normalement, Karim Wade ne doit plus avoir ses droits civiques", l'article 34 du Code pénal prévoyant cette privation pour toute peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans.
- Incidents limités -
Le ministre de la Gouvernance locale et porte-parole du gouvernement, Oumar Youm, a affirmé que "le droit a été dit". "Nous devons nous plier à cette décision", a-t-il déclaré sur la radio privée RFM.
A l'ouverture du procès le 31 juillet, Karim Wade s'était présenté comme un "prisonnier politique".
L'annonce du verdict par le président de la CREI, Henry Grégoire Diop, a été interrompue par les hurlements des dizaines de partisans de Karim Wade, dont beaucoup ont fondu en larmes, couvrant la fin de la lecture de la décision.
Près de l'Université de Dakar, des manifestants ont renversé des poubelles et brûlé au moins un pneu sur la chaussée avant d'être dispersés par les policiers à coup de grenades lacrymogènes, selon un journaliste de l'AFP.
L'ancien chef de l?État Abdoulaye Wade (2000-2012), 88 ans, qui n'avait assisté à aucune audience, s'est rendu lundi au palais de justice, acclamé par ses partisans mais, contrairement à son intention, il n'a pas commenté le verdict en raison du brouhaha.
Il leur avait demandé samedi de venir en nombre mais qu'ensuite "chacun rentre chez lui tranquillement sans casse et sans violence".
La CREI motive sa décision par un écart de plus de 100 millions d'euros entre le patrimoine estimé de Karim Wade et ses "revenus légaux", considérant que "l'origine licite de ce patrimoine n'a pas été prouvée", la charge de la preuve devant cette juridiction incombant au prévenu.
Karim Wade est accusé d'avoir illégalement acquis par le biais de montages financiers complexes, du temps où il était conseiller puis ministre de son père, ce patrimoine constitué de sociétés, comptes bancaires et propriétés immobilières, au Sénégal et l'étranger, et voitures de luxe, ce qu'il nie.
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