L'ex-ministre UMP Éric Woerth et l'ancien gestionnaire de fortune de la milliardaire Liliane Bettencourt, Patrice de Maistre, étaient de retour lundi au tribunal correctionnel de Bordeaux pour "trafic d'influence", un "deuxième procès Bettencourt" qui s'est intéressé aux relations entre le politique et l'argentier.
Jusqu'à mercredi, Éric Woerth, 59 ans, est jugé pour trafic d'influence passif, et Patrice de Maistre, 66 ans, pour trafic d'influence actif. Ils sont poursuivis pour un possible pacte qui aurait vu la Légion d'honneur (grade de chevalier) octroyée en 2007 à M. de Maistre, en contrepartie d'un emploi pour l'épouse de M. Woerth, Florence, au sein des sociétés gérant la fortune Bettencourt, et dont M. de Maistre était alors directeur-général.
Les deux hommes, qui contestent les faits et pour lesquels le parquet avait requis un non-lieu, encourent jusqu'à 10 ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende, éventuellement assorties d'interdiction des droits civiques ou de fonction publique.
D'emblée, comme au début du procès-fleuve de janvier-février dans le volet "abus de faiblesse" de la nébuleuse Bettencourt, la défense a demandé au tribunal de prononcer la nullité de l'ordonnance de renvoi. Elle a notamment souligné "le caractère illicite" des enregistrements clandestins sur lesquels s'appuie en partie le dossier: ceux réalisés en 2009-2010 par l'ex-majordome de Mme Bettencourt, Pascal Bonnefoy.
Le tribunal a joint cet incident au fond, et le procès s'est poursuivi.
- Déjà-vu ? -
L'examen des personnalités a laissé une étrange impression de déjà-vu: mêmes magistrats et mêmes prévenus que lors des longs débats de janvier-février, durant lesquels MM. Woerth et de Maistre faisaient partie des dix personnes jugées dans le volet "abus de faiblesse" au détriment de Mme Bettencourt.
"Cela peut paraître un peu surréaliste", s'est presque excusé le président Denis Roucou, en demandant à M. de Maistre de retracer son parcours d'expert-comptable, commissaire aux comptes et auditeur, passé au service du "family office" des Bettencourt.
"Est-ce que je peux résumer par rapport à la dernière fois?" a timidement demandé le prévenu.
M. Roucou a rappelé que le dossier a démarré à partir des enregistrements, notamment une conversation en 2010 où M. de Maistre expliquait à sa patronne, Liliane Bettencourt, qu'il avait embauché Mme Woerth en 2007 "à la demande" de son mari. Bien qu'elle "ne correspondait pas au profil recherché", selon les juges d'instruction.
Concernant la Légion d'honneur, le président a aussi noté les incertitudes sur "le circuit qui à conduit à l'attribution" de la décoration, les "contradictions" entre les deux prévenus relevées par les juges d'instruction et l'intervention selon eux de M. Woerth pour la décoration.
Le tribunal a ensuite écouté l'historique de leurs rencontres: courant 2006, puis en 2007, alors que M. de Maistre faisait partie du "premier cercle" de donateurs de l'UMP, dont M. Woerth était trésorier, puis trésorier de campagne de Nicolas Sarkozy.
- Les 'coïncidences qui font fantasmer' -
"On est des gens qui s'aiment bien, qui se voient dans les dîners. On s'est aussi vu individuellement dans le cadre de la campagne", a dit sobrement M. Woerth.
Le président a aussi relevé les concordances de dates, au long de l'année 2007, entre le processus d'embauche de Mme Woerth, et celui d'obtention de la Légion d'honneur, remise par le ministre Woerth en janvier 2008.
"Il y a un moment où les coïncidences ne sont que des coïncidences. Et il y a celles qui font rêver, fantasmer, délirer" a lancé Me Jean-Yves Le Borgne, avocat de M. Woerth. "On est dans une situation qui ressemble au précédent procès, on rapproche des faits qui n'ont pas grand-chose à voir, () on dit +l'un est la conséquence de l'autre+."
Dans le volet "abus de faiblesse" jugé en février, le ministère public avait requis un non-lieu pour M. Woerth, et trois ans de prison, dont 18 mois avec sursis, et 375.000 euros d'amende à l'encontre de M. de Maistre. Jugement le 28 mai.
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