Le Yémen s'achemine vers "une guerre civile", a averti l'émissaire de l'ONU, au moment où la milice chiite des Houthis poursuivait sa progression vers le sud de ce pays en pleine déliquescence.
Dans une déclaration unanime à l'issue d'une réunion d'urgence à New York, le Conseil de sécurité a réitéré dimanche soir son soutien au président Abd Rabbo Mansour Hadi, retranché à Aden, et agité une vague menace de sanctions contre les Houthis.
Il a également appelé "tous les Etats membres à s'abstenir de toute ingérence qui attiserait le conflit et aggraverait l'instabilité", une référence apparente mais implicite à l'Iran accusé de soutenir les Houthis.
Le président Hadi est pour sa part appuyé par les monarchies sunnites du Golfe, dont l'Arabie saoudite.
S'adressant au Conseil par vidéo-conférence depuis le Qatar, l'émissaire de l'ONU Jamel Benomar a prévenu que le Yémen s'acheminait vers "une guerre civile" et risquait la "dislocation" avec "une division croissante entre le nord et le sud".
Il est "illusoire", a-t-il affirmé, de penser que les Houthis puissent s'emparer de l'ensemble du pays ni que le président Hadi puisse reprendre par la force le contrôle de la situation. Continuer les hostilités mènera "à un scénario libyen ou syrien" et la seule solution est politique, a-t-il ajouté.
Dans une déclaration diffusée à l'issue de la réunion, l'ambassadrice américaine Samantha Power a averti que la population yéménite allait "subir les conséquences" d'une poursuite des hostilités: "près de 16 millions de personnes soit 61% de la population du Yémen ont déjà grand besoin d'une aide humanitaire".
Sur le terrain, les miliciens chiites progressaient vers le sud du Yémen. Ils se sont emparé de l'aéroport de Taëz, troisième ville du pays située sur la route entre la capitale Sanaa (nord), où ils ont pris le pouvoir en début d'année, et Aden, la principale ville du sud où est retranché M. Hadi.
Dans un discours télévisé, le chef de la milice chiite Abdel Malek al-Houthi a invité "le grand peuple du Yémen () à la mobilisation générale" et à s'enrôler dans sa milice, justifiant l'avancée de ses combattants vers le sud au nom de la lutte contre les extrémistes sunnites d'Al-Qaïda et du groupe Etat islamique (EI).
Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), bien implanté dans le sud du Yémen, est considéré comme la branche la plus dangereuse du réseau mais l'EI a revendiqué vendredi ses premiers attentats au Yémen, des attaques suicide ayant visé deux mosquées de Sanaa fréquentées par des Houthis et fait 142 morts.
M. Houthi a également tiré à boulets rouges sur le président Hadi, l'accusant d'être "une marionnette aux mains des forces du mal, conduites par les Etats-Unis" et de fomenter un complot "financé par l'Arabie saoudite et le Qatar".
Samedi, M. Hadi avait appelé l'armée à "refuser toute directive émanant de Sanaa (sous contrôle des Houthis)", et promis de tout faire pour que "le drapeau de la République du Yémen flotte sur les montagnes de Maran (bastion des Houthis dans le nord du pays, NDLR), et non pas le drapeau iranien".
Le Yémen semble désormais au bord d'une guerre civile à caractère confessionnel, alors que le dialogue politique parrainé par l'émissaire de l'ONU Jamal Benomar est bloqué.
- Aden se prépare -
Forts du soutien de militaires restés fidèles à l'ex-président Ali Abdallah Saleh (au pouvoir de 1978 à 2012), les Houthis semblent bien décidés à avancer vers Aden, où est retranché M. Hadi depuis sa fuite en février de Sanaa.
La conquête de Taëz permettrait aussi aux Houthis d'avancer vers le détroit stratégique de Bab al-Mendeb, à l'embouchure du Golfe d'Aden et de la mer Rouge, une importante voie maritime pour le commerce international.
A Taëz, des milliers de personnes sont sorties dans les rues pour protester contre la progression des miliciens Houthis, qui ont tiré à balles réelles tuant un manifestant et en blessant cinq autres, selon des militants.
Quelque 300 Houthis en tenue militaire et des soldats se sont déployés dans l'enceinte de l'aéroport de Taëz. Des renforts étaient en route en provenance de Sanaa, à 250 km au nord, a précisé à l'AFP une source aéroportuaire.
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