Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a vanté samedi "l'unité" des grandes puissances sur le dossier nucléaire iranien après une semaine de tractations marathon à Lausanne avec Téhéran, sur fond de tensions avec la France avant l'échéance du 31 mars pour sceller un accord.
Au cours des derniers mois, le 5+1 (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni, Allemagne) "a fait des progrès significatifs vers l'objectif" d'un règlement, a souligné M. Kerry avant de quitter la ville suisse pour Londres où il est arrivé en fin d'après-midi. Toutefois "des divergences importantes demeurent", a-t-il admis.
Ce qui explique, selon les observateurs, sa brève escale dans la capitale britannique où il a retrouvé, dans un salon de l'aéroport d'Heathrow, ses homologues britannique Philip Hammond, allemand Frank Walter Steinmeier, français Laurent Fabius et européenne Federica Mogherini. Faute d'avoir pu se mettre d'accord à Lausanne, ils doivent y évoquer la suite des négociations afin d'aboutir à un accord politique avant la date butoir fixée au 31 mars.
Les cinq responsables n'ont fait aucune déclaration à leur arrivée, avant de s'assoir autour d'une immense table carrée avec leurs aides.
Vendredi, l'Iran et les Etats-Unis avaient annoncé que les négociations internationales sur le programme nucléaire controversé de Téhéran reprendraient à partir du 25 mars. M. Fabius a déclaré samedi qu'elle reprendraient mercredi.
"Nous ne voulons pas n'importe quel accord () Nous ne nous précipitons pas", a expliqué M. Kerry.
"Il est temps de prendre des décisions difficiles. Nous voulons le bon accord qui rende le monde, les Etats-Unis et leurs plus proches alliés et partenaires, plus sûrs et plus en sécurité", a-t-il assuré.
- Fabius: il faut un accord "robuste" -
Un accord de principe garantirait que l'Iran n'ait jamais la bombe atomique, en échange d'une levée des sanctions. Le 5+1 et l'Iran se sont ensuite donné jusqu'au 30 juin-1er juillet pour finaliser tous les détails techniques d'un texte complet.
Mais des diplomates européens ont exprimé ces dernières semaines leur réticence face à la volonté prêtée aux Etats-Unis de conclure au plus vite un accord.
Un diplomate européen à Lausanne a jugé dès jeudi que "la date limite" était "au 30 juin", pas au 31 mars. Et dans un tweet en anglais vendredi, l'ambassadeur de France à Washington Gérard Araud a asséné : "Faire de la fin mars une date limite absolue est contreproductif et dangereux. On a besoin de tout notre temps pour boucler un accord complexe".
Le quotidien britannique The Guardian soulignait samedi que "la divergence la plus nette réside entre les États-Unis, qui ont proposé une levée progressive des sanctions de l'ONU (), et la France, qui ne souhaite offrir qu'un assouplissement symbolique des mesures punitives imposées sur la dernière décennie".
"Les Américains sont prêts à lâcher un accord très loin des objectifs initialement fixés", a estimé une source proche des négociations, soulignant que dans le même temps les Américains avaient besoin de la France pour rendre l'accord "plus acceptable aux yeux de ceux qui n'en veulent pas".
Il faut un accord "robuste", a déclaré samedi M. Fabius, à l'issue d'un conseil franco-italien de sécurité et de défense à Caen (nord-ouest de la France), jugeant que s'il "n?est pas suffisamment sérieux, les pays voisins tels que la Turquie ou l?Arabie saoudite pourraient s?inquiéter et eux-mêmes se doter de l?arme nucléaire. Ce serait une prolifération catastrophique".
"Il y a eu sur un certain nombre de points des avancées incontestables mais il y a des points qui restent difficiles, c'est l'objet de la discussion", a-t-il aussi déclaré.
Les gouvernements américain et français se gardent bien de se critiquer ouvertement ces derniers mois, les deux alliés vantant leur unité de vue sur ce dossier qui empoisonne la communauté internationale depuis plus de 12 ans.
Reste que le sujet a fait l'objet d'un appel téléphonique vendredi soir entre le président François Hollande et son homologue américain Barack Obama. Plus tôt à Bruxelles, M. Hollande avait rappelé "la position française (qui) est simple à énoncer : oui, l'Iran peut accéder au nucléaire civil mais ne peut pas accéder à l'arme nucléaire".
Du côté de Téhéran, le président iranien Hassan Rohani a affirmé samedi qu'il n'existait "rien qui ne puisse être résolu" et qu'un accord était "possible". "Dans cette série de négociations (à Lausanne, ndlr), il y avait des différences sur certaines questions (mais) des points de vue communs ont émergé qui peuvent être la base d'un accord final", a-t-il affirmé.
De son côté, le guide suprême iranien a écarté samedi toute coopération avec les Etats-Unis sur les conflits régionaux, en cas d'accord sur le nucléaire.
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