L'ex-électricien Pierre Le Guennec et son épouse, soupçonnés du "recel" de 271 ?uvres volées de Picasso entreposées pendant 40 ans dans leur garage du sud de la France, apprendront leur condamnation ou leur relaxe vendredi matin, épilogue d'une rocambolesque histoire qui a fait le tour du monde.
Cinq ans de prison avec sursis ont été requis le 12 février à l'encontre du couple de septuagénaires, lors d'un procès de trois jours devant le tribunal correctionnel de Grasse (Alpes-Maritimes), en présence de trois héritiers de Pablo Picasso. La décision, mise en délibéré, sera rendue vendredi à 10h00.
Les retraités soutiennent mordicus que les 271 ?uvres empilées dans un carton sont un cadeau informel de Jacqueline Picasso, dernière épouse de l'artiste, fait en 1971 ou 1972 dans un couloir de son mas de Mougins.
"Elle m'a dit +ça c'est pour vous+", relate seulement Pierre Le Guennec, qui a répondu "merci madame" à Jacqueline. Peu impressionné en rentrant chez lui, il découvre "en vrac" dans la boite "des dessins, des esquisses, du papier froissé", avant de reléguer le tout dans son garage durant quatre décennies.
En septembre 2010, le couple avait fait le voyage à Paris pour présenter son trésor à Claude Ruiz-Picasso, portrait craché de son père, en charge de l'authentification et du droit moral des ?uvres. Les six héritiers de l'artiste avaient porté plainte.
Durant le procès, les témoignages de proches et d'experts de Picasso ont tous convergé pour détruire la thèse d'un don. Et les trois avocats défendant le couple Le Guennec, semblant peu préparés, n'ont produit aucun témoin défendant la bonne foi de leurs clients.
Les avocats incisifs et de la famille Picasso ont donné le coup de grâce en décrivant -sans preuves- Pierre le Guennec comme un pion manipulé par des marchands d'art véreux, tentant d'écouler des ?uvres initialement volées par son cousin "Nounours" (ex-chauffeur de Picasso).
- "Tout à fait renversant" -
Les 271 ?uvres de l'électricien -qui s'échelonnent entre 1900 et 1932- avaient été projetées sur un écran du tribunal, dans un silence monacal. Dévoilant quelques pépites: des dessins stylisés de femmes et de chevaux, neuf collages cubistes très rares de l'époque de sa collaboration avec Georges Braque, une étude de la "période bleue" ou encore des ?uvres plus intimes comme des études de sa maîtresse Fernande, des dessins de sa première femme Olga ou un petit cheval découpé réalisé pour ses enfants
Aucune ?uvre n'est signée ou dédicacée, une façon pour l'artiste de se protéger des vols dans ses ateliers, ont indiqué des témoins, comme Gérard Sassier, fils d'Inès, femme de chambre de l'artiste durant 34 ans.
Les héritiers de Picasso, désireux de récupérer les ?uvres, n'ont pas mâché leurs mots. "Je n'ai jamais pu comprendre qu'on puisse faire avaler ça. C'est comme si vous allez chez le boulanger pour une baguette et qu'il vous en donne 271 !", a réagi avec gouaille Maya Widmaier-Picasso, fille du peintre.
"Un rassemblement d'objets de cet ordre, c'est tout à fait renversant", a commenté Claude Ruiz Picasso, qui n'a pas chiffré leur valeur.
Catherine Hutin-Blay, fille de Jacqueline Picasso et seule héritière à avoir connu personnellement l'électricien, admet néanmoins qu'il avait une position privilégiée au mas Notre-Dame-de-Vie à Mougins, dernière demeure de l'artiste décédé en 1973. "On lui faisait vraiment confiance. C'était quelqu'un qui était très familier dans la maison", décrit-elle.
Confirmant ainsi les dires de Pierre Le Guennec: "Picasso avait une confiance absolue en moi", "Monsieur et Madame m'appelaient +petit cousin+".
Détail troublant de l'affaire, qui laisse planer un parfum de mystère, l'artisan qui s'exprime maladroitement et n'est pas un spécialiste d'art, affirme avoir rédigé lui-même les descriptifs des ?uvres. Il identifie, par exemple, une petite étude abstraite au crayon comme ayant des similitudes avec une peinture de 1915 d'un Arlequin exposé au Musée d'art moderne de New York (MoMA). Mais Pierre Le Guennec ne semble pas connaître l'existence du MoMA.
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