Dix ans après le drame de Clichy-sous-Bois, le procès des deux policiers mis en cause dans la mort de deux adolescents touche à sa fin jeudi, avec les réquisitions du parquet.
Delphine Dewailly, procureure, doit prononcer ses réquisitions dans l'après-midi. Sébastien Gaillemin, 41 ans, et Stéphanie Klein, 38 ans, encourent au maximum cinq ans de prison et 75.000 euros d?amende.
Depuis le début de la longue procédure judiciaire, le parquet a systématiquement réclamé la relaxe des policiers mis en cause dans le drame de Clichy-sous-Bois, qui avait déclenché trois semaines d'émeutes sans précédent dans les banlieues françaises.
Ouvert lundi à Rennes, le procès a permis de passer l'affaire au crible, en partant de l'intervention de la police sur un chantier de Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis) le 27 octobre 2005 à 17h21, qui a mis en fuite un groupe de jeunes.
Emportés par le mouvement de panique déclenchée par l'arrivée des policiers, Bouna Traoré, 15 ans, Zyed Benna, 17 ans, et Muhittin Altun prennent la fuite avec deux autres jeunes via un bois avant de parvenir dans un cimetière de la commune voisine, Clichy-sous-Bois.
Ils rebroussent chemin en voyant d'autres policiers à l'entrée du cimetière. Il s'agit du gardien de la paix Sébastien Gaillemin, avec deux jeunes collègues de son unité de police de proximité.
Deux garçons se cachent dans des massifs de fleurs. Les trois autres escaladent un grillage qui interdit l'accès, à l'ouest du cimetière, à un petit bois large à cet endroit d'à peine cinq mètres, bordé lui-même par le mur d'un site EDF.
Sébastien Gaillemin voit "deux silhouettes" escalader un grillage. "Ils sont en train d'enjamber pour aller sur le site EDF", lâche-t-il à la radio, apercevant des pylônes dépasser non loin de là.
Quelques instant plus tard, il commente: "S'ils rentrent sur le site EDF, je ne donne pas cher de leur peau". Il va s'excuser jeudi à la barre de sa "réflexion fort maladroite" envers les parties civiles. "J'en suis désolé", dit-il.
- 'Danger réel' -
Affectée à la radio de la police, l'autre prévenue, Stéphanie Klein, qui ne connait pas non plus les lieux, pense qu'il s'agit d'un site administratif d'EDF, pas d'une centrale électrique. "Je n'ai aucune conscience qu'il y a un danger réel à ce moment-là", assure-t-elle jeudi à la barre, où elle fond en larmes.
Très ému lui aussi, le policier explique qu'à ce moment-là, pour lui, le fait que les jeunes puissent pénétrer sur le site EDF n'est qu'une hypothèse parmi d'autres.
Le fonctionnaire, qui a refusé de rejoindre la brigade anti-criminalité (Bac) pour rester "proche du public", entreprend de faire le tour du pâté de maison pour voir si les jeunes ont pu passer par les jardins environnants.
Arrivé à l'entrée principale du site EDF, il vérifie par deux fois au-dessus du mur d'enceinte. "Une fois que j'ai effectué mes vérifications visuelles, pour moi il n'y avait plus aucun doute", assure-t-il.
Avec son équipage, ils interpellent les deux jeunes cachés dans les fleurs. Pendant ce temps, Zyed, Bouna et Muhittin cherchent un endroit où se cacher, la peur au ventre alors que les policiers sont déjà repartis.
Ils finissent par se réfugier dans un local abritant une réactance, un dispositif particulièrement dangereux. A 18h11, Bouna et Zyed meurent électrocutés. Muhittin est grièvement blessé mais parvient à alerter les secours. Il est 18h46.
Selon ses explications, c'est en rencontrant par hasard les pompiers appelés sur place que Sébastien Gaillemin, qui allait sur une autre mission, fait le lien avec l'affaire précédente.
"Tout à l'heure, il y a eu une poursuite pédestre à proximité", explique-t-il dans un message radio, diffusé à l'audience, "il y a de fortes chances que les deux affaires aient un lien".
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