Le projet de loi sur le renseignement, encadrant l'activité des services en leur donnant des moyens considérables contre les filières jihadistes et présenté jeudi en Conseil des ministres, fait l'unanimité politique mais certains s'inquiètent des atteintes aux libertés individuelles.
Le projet vise à doter les six services de renseignement français de moyens supplémentaires face aux nouvelles technologies et entend inscrire leur travail dans un "cadre légal", une "première" selon le gouvernement.
Le Premier ministre Manuel Valls doit en présenter les grandes lignes à la presse à l'issue du Conseil des ministres au côté des ministres concernés.
Avec ce texte, fini la "zone grise" dans laquelle les héritiers de James Bond travaillaient jusqu'alors parfois sous le contrôle de la justice mais souvent sur le fil du rasoir, a promis le gouvernement.
Selon ce projet, les services pourront infiltrer et surveiller les terroristes potentiels grâce à des autorisations administratives, sans passer par la justice.
Ils pourront effectuer en toute légalité des "interceptions de sécurité" portant sur les contenus des e-mails et des conversations téléphoniques, uniquement s'ils sont en lien direct avec l'enquête. Le texte prévoit aussi le recours à de nouvelles technologies permettant aux agents du renseignement de poser micros, balises, caméras espions partout où ils l'estiment nécessaire. Ils pourront également capter en direct de ce qui est tapé sur un clavier en temps réel.
Ces dispositions ne sont pas sans inquiéter: la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) redoute des "mesures de surveillance beaucoup plus larges et intrusives" que celles existantes, la Ligue des droits de l'Homme dénonce elle une "logique de la pêche au chalut".
- 'Pas un Patriot act' -
Cherchant à anticiper les critiques sur les libertés publiques et la vie privée, le gouvernement a voulu aussi "encadrer" ses agents afin d'éviter qu'ils soient accusés de "barbouzeries".
Les procédures seront "précisément définies", a-t-il prévu, limitées à des enquêtes terroristes et à l'urgence des situations. Toute demande des services devra être "motivée", les décisions seront prises par le Premier ministre en personne et leur durée limitée.
Dans cet esprit, une nouvelle autorité administrative et indépendante de contrôle verra le jour remplaçant l'actuelle Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), aux moyens limités.
Cette future commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) agira "en amont", pendant et après le recours à ces nouvelles technologies, selon le texte gouvernemental.
En cas de contestation, un particulier s'estimant injustement pris dans les filets du renseignement pourra saisir le Conseil d'Etat.
Le gouvernement estime ne pas avoir agi sous la pression des attentats de janvier qui ont fait dix-sept morts en France. "Nous sommes l'une des dernières démocraties occidentales à ne pas disposer d'un cadre légal cohérent et complet pour nos services qui sont demandeurs", a estimé un membre du cabinet du Premier ministre.
"Le dispositif antiterroriste a fait ses preuves mais commence à dater", ajoute-t-il. Les attentats du début d'année ont accéléré le processus, reconnaissent des experts, des leçons ayant été notamment tirées sur le défaut de surveillance autour des trois auteurs présumés qui ont été tués.
"Ce n'est pas un Patriot act", référence à la législation américaine antiterroriste post-11-Septembre très critiquée pour son caractère attentatoire aux libertés individuelles, a tenu à préciser le conseiller.
Le projet de loi devrait ensuite être débattu en séance à l'Assemblée nationale la semaine du 13 avril après un examen en commission des Lois le 1er avril, a indiqué mercredi son rapporteur, Jean-Jacques Urvoas (PS), un proche de Manuel Valls, artisan du projet à ses côtés.
Il y a pour l'heure unanimité politique. Nicolas Sarkozy, président de l'UMP, a affirmé mardi sur TF1 que son parti voterait la loi si elle "n'est pas dénaturée dans le cadre du débat parlementaire".
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