Le patrimoine déclaré par le sénateur UMP Serge Dassault fait l'objet des soupçons de la justice, qui enquête sur des millions d'euros qui pourraient avoir été dissimulés au Luxembourg.
Après des révélations du Parisien, la Haute Autorité pour la transparence de la vie politique (HATVP) a confirmé mardi qu'il existait un "doute sérieux" sur "l'exhaustivité, l'exactitude et la sincérité" des déclarations de patrimoine de l'avionneur français en 2011 et 2014, en raison "de l'omission d'avoirs détenus à l'étranger".
Cette instance chargée de vérifier les situations patrimoniales des élus et leurs déclarations d'intérêts a signalé les faits au parquet national financier (PNF), qui a ouvert une enquête fin novembre pour "omission de déclaration à la HATVP et blanchiment de fraude fiscale", selon une source proche du dossier contactée par l'AFP.
En cause, selon une autre source proche de l'affaire, l'existence présumée de deux comptes au Luxembourg, dont l'un sur lequel figureraient quelque 12 millions d'euros.
Interrogé au Sénat par l'AFP, le PDG du groupe Dassault, qui à bientôt 90 ans figure parmi les premières fortunes françaises, s'est montré serein: "aucun problème", a-t-il dit en souriant.
"Pas surpris puisque les élections sont dans cinq jours", a réagi à son tour le maire UMP de Corbeil-Essonnes, Jean-Pierre Bechter, qui fait campagne aux départementales sur le canton avec Serge Dassault comme suppléant. "Mais cela ne fera pas bouger une voix, si la gauche compte là-dessus", a-t-il ironisé. Contacté, l'avocat de Serge Dassault n'a pas donné suite.
- Achats de voix présumés -
L'existence de comptes au Luxembourg a déjà été évoquée dans le cadre de l'enquête sur les achats de voix lors des campagnes municipales de Corbeil-Essonnes en 2008, 2009 et 2010. Dans ce dossier, les juges disposent de plusieurs témoignages accréditant un tel système, via des virements à l'étranger ayant bénéficié à des "grands frères" des quartiers chargés de faire campagne pour le camp Dassault.
Maire de 1995 à 2009 de l'ancien bastion communiste de l'Essonne, Serge Dassault, a été mis en examen en avril pour sept millions d'euros de dons destinés à obtenir des suffrages. Lui-même reconnaît des dons à des habitants mais réfute tout lien avec les élections. Le sénateur a remporté une manche en février dernier quand la cour d'appel de Paris a considéré que les faits étaient prescrits pour l'élection de 2008. Son successeur à la mairie, Jean-Pierre Bechter, est aussi mis en examen dans ce dossier.
L'affaire avait rebondi en octobre avec l'audition d'un proche de Serge Dassault vivant en Suisse, Gérard Limat. "Grand ami" de la famille, du père Marcel puis du fils Serge, cet homme de 74 ans a confié avoir utilisé deux comptes au Luxembourg appartenant en réalité à l'industriel pour distribuer jusqu'en 2010 des fonds à des habitants de Corbeil.
Selon ses déclarations, rapportées à l'AFP par une source proche du dossier, l'un de ces comptes avait été alimenté à l'origine par des fonds de Marcel Dassault et "il doit rester 10 à 12 millions d'euros maximum".
Gérard Limat avait aussi confié avoir pris l'habitude pendant des années de remettre à Serge Dassault des sacs de billets venant de Suisse, qu'il récupérait à Paris. "Je posais le sac dans un coin de son bureau et immédiatement, on parlait d'autre chose", a-t-il déclaré, selon la source. D'après les enquêteurs, les fonds se sont élevés à plus de 56 millions de francs suisses entre 1995 et 2009 (soit environ 52 millions d'euros), un chiffre que M. Limat n'a pas réfuté, a-t-on précisé de même source.
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