Le projet de loi Santé porté par Marisol Touraine arrive mardi au Parlement sous l'étroite surveillance de médecins très critiques, mais aussi d'une majorité soucieuse d'afficher son unité autour d'un texte "de progrès".
Démonstration de force avant d'entrer dans le vif: entre 19.000 et 50.000 blouses blanches ont défilé à Paris dimanche contre la réforme. "Nous allons continuer la bataille au niveau parlementaire", prévenait le soir-même Jean-Paul Ortiz, le président du principal syndicat de médecins libéraux, la CSMF.
Cette "bataille" a débuté avec le dépôt de 1.638 amendements, dont une cinquantaine du gouvernement, selon une source parlementaire.
A 17H00, la ministre de la Santé sera auditionnée par la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale qui examinera le texte cette semaine, avant un débat dans l'hémicycle du 31 mars au 10 avril.
Il n'y aura ensuite qu'un examen par chambre, Marisol Touraine ayant annoncé une "procédure accélérée" pour éviter que les débats ne s'allongent "outre mesure".
Présenté en octobre, son projet de loi couvre un large champ, de la prévention de l'obésité au dossier médical partagé. Mais depuis des mois, l'attention se focalise sur un dispositif: la généralisation du tiers payant.
Pour la ministre, cette promesse de campagne de François Hollande est une mesure de "progrès", qui favorise l'accès aux soins, notamment des populations défavorisées. Soixante pour cent des Français plébiscitent cette réforme, selon un récent sondage.
Les médecins libéraux estiment en revanche que dispenser tous les patients de l'avance des frais risque de faire exploser les dépenses de santé, et leur occasionner beaucoup de paperasserie et des problèmes de trésorerie.
Depuis décembre, ils multiplient les actions: fermeture des cabinets autour de Noël, grève des gardes encore le week-end dernier et non utilisation de la carte vitale.
"Le tiers payant est vécu comme une atteinte au coeur même de la médecine libérale: les médecins ont peur de passer sous la dépendance des financeurs publics - la Sécu - et privés - les mutuelles", analyse Frédéric Pierru, chercheur au CNRS.
- 'Marqueur de gauche' -
Au-delà, "le texte cristallise un ensemble de ressentiments très variés dans le corps médical", souligne le sociologue, spécialiste en santé publique.
Ainsi, les généralistes sont appelés à rester chez eux jeudi par leur principal syndicat, MG France, autant pour contester la loi santé que pour obtenir des revalorisations de leurs honoraires.
Aux craintes des libéraux se sont greffés l'inquiétude des étudiants sur leurs conditions d'installation, le sentiment des cliniques privées d'être mal aimées et l'impression d'autres soignants (infirmiers, dentistes) d'avoir été tenus à l'écart des discussions.
Marisol Touraine, qui a reçu des délégations à l'issue de la manifestation dimanche, a amendé son texte pour, selon elle, répondre à leurs "inquiétudes".
De nouveaux articles reconnaissent ainsi le rôle de "pivot" des médecins traitants dans les territoires et réduisent à une "expérimentation" la possibilité pour les pharmaciens de réaliser des vaccinations contre la grippe.
Sur le tiers payant, la ministre a promis que l'assurance maladie acquitterait des pénalités si elle ne remboursait pas les médecins dans un délai de sept jours. Mais sur le fond, elle n'a rien lâché et le système sera bien généralisé en 2017.
"La ministre ne peut pas céder" parce qu'elle porte "un texte d'affichage politique", "marqueur de gauche comme l'a été la création de la CMU (couverture maladie universelle) en 1999", estime Gaël Sliman, président de l'institut de sondage Odoxa.
Pour preuve, le Parti socialiste a demandé au gouvernement de ne pas reculer sur le tiers payant. "Le PS est très vigilant là-dessus et il est unanime", a souligné son Premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis.
Une unanimité bienvenue pour le parti après les déchirements autour de la loi Macron, qui avaient forcé le gouvernement à passer en force avec un vote de confiance.
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