Deux policiers comparaissent lundi à Rennes pour "non-assistance à personne en danger" après la mort de deux jeunes dans un site EDF à Clichy-sous-Bois en 2005, un drame à l'origine de trois semaines d'émeutes dans les banlieues françaises.
Le procès, qui s'est ouvert peu après 14H00 devant le tribunal correctionnel de Rennes, doit durer jusqu'à vendredi. Alors que les familles des victimes s'installaient dans la salle d'audience, des manifestants ont posé une banderole "Soutien aux proches de Zyed et Bouna", les prénoms des deux jeunes gens morts en 2005, sur un mur situé à proximité de la Cité judiciaire.
Une manifestation mercredi, ainsi que des rassemblements quotidiens devant le tribunal ont été annoncés par un collectif anti-police.
Il y a près de dix ans, le 27 octobre 2005, une intervention de la police sur un chantier de Seine-Saint-Denis met en fuite un groupe de dix mineurs, parmi lesquels Muhittin Altun, Bouna Traoré et Zyed Benna.
Après avoir pris la direction d'un bois, les trois jeunes escaladent le mur d'enceinte d'un site EDF. Bouna Traoré, 15 ans, et Zyed Benna, 17 ans, sont mortellement électrocutés par un arc électrique. Muhittin Altun est grièvement blessé.
La mort des deux adolescents est suivie par trois semaines d'émeutes dans les banlieues françaises. Le gouvernement doit décréter l'état d'urgence.
Le gardien de la paix Sébastien Gaillemin, 41 ans, qui était sur place, et Stéphanie Klein, 38 ans, qui était au standard du commissariat, comparaissent pour non-assistance à personne en danger. Ils encourent au maximum cinq ans de prison et 75.000 euros d?amende.
En préambule, le président du tribunal, Nicolas Léger, a assuré que la cour "a parfaitement conscience de la souffrance particulière que représente cette audience" pour les familles de victimes, mais aussi pour le jeune rescapé de l'accident et pour les prévenus, dans cette "affaire particulièrement médiatique"
Ce procès n'est pas "le procès de la police nationale", ni des "émeutes qui ont secoué la France", a-t-il lancé.
- Dix ans d'attente -
A son arrivée au tribunal, l'avocat des policiers, Daniel Merchat, a estimé que "les éléments constitutifs de la non-assistance à personne en danger ne sont pas réunis", expliquant que le policier qui poursuivait les adolescents avait fait "deux vérifications" et "était sûr qu'il n'y avait personne dans le site" EDF.
"Mes clients n'ont jamais su que les individus en fuite étaient premièrement dans le site EDF et deuxièmement dans le transformateur: pour une raison très simple, ils sont entrés dans le transformateur une demi-heure après le départ des fonctionnaires de police", a-t-il déclaré.
Mais pour Jean-Pierre Mignard, avocat des familles, "les trois gosses sont des victimes, deux d'entre eux sont morts dans des conditions atroces. Et cela aurait pu être évité".
"Ça fait dix ans qu'on attend ce procès", rappelle Adel Benna, le grand frère de Zyed. "Il y a beaucoup de zones d'ombres. On n'arrive pas à comprendre".
Même du côté des policiers, ce procès est attendu.
"Ça fait dix ans qu'ils attendent d'être entendus. Ils attendent beaucoup et surtout ils n'attendent pas de condamnation, parce que je pense qu'ils le ressentiraient vraiment vivement", observe Loïc Lecouplier, secrétaire national adjoint du syndicat Alliance Police Nationale à son arrivée à l'audience. "Quand on les connaît, on ne peut pas les accuser d'un tel manquement", ajoute-t-il.
M. Lecouplier se refuse à ramener l'audience à "un procès des policiers de banlieue contre les jeunes de banlieue". "C'est le procès de deux policiers, très jeunes à l'époque des faits", estime-t-il, rappelant que l'Inspection générale des services n'avait relevé aucune faute à leur encontre.
Dix années d'attente auront été nécessaires pour parvenir à ce procès. Les parquets successifs, de Bobigny à Rennes, où la cour de Cassation a dépaysé le dossier en 2012, ont toujours soutenu le non-lieu.
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