Des herbus à perte de vue, en fond sonore les moutons qui bêlent et à l'horizon le Mont-Saint-Michel qui émerge de la brume: bienvenue au "bureau" de Yannick Frain, l'un des rares bergers à élever les célèbres agneaux prés-salés, un mets de choix pour les fêtes pascales.
Tôt ce matin-là, dans la bergerie, les moutons bêlent d'impatience dans l'attente de leur pèlerinage quotidien vers la baie. A l'ouverture des portes, il s'empressent telle une marée sous les yeux attentifs de Yannick et de Jobi, son chien, qui surveille les retardataires.
Accompagné de son fils Alexandre et d'un ouvrier agricole, Yannick va mener le cheptel vers un nouveau lieu de pâture sur les 1.000 hectares bretons de prés-salés qu'il loue à l?État avec quatre autres éleveurs.
Face au paysage de carte postale, on oublie rapidement la terre qui colle aux bottes et le risque de s'étaler de tout son long dans la boue: les herbus, nom donné aux prés-salés, s'étalent à perte de vue, les bêlement des moutons en fond sonore. Derrière la brume légère qui flotte au-dessus de l'horizon surgit la silhouette, reconnaissable entre toutes, du Mont-Saint-Michel.
Le soleil fait scintiller les retenues d'eau, donnant un côté irréel au paysage. L'an prochain Alexandre, 22 ans, prendra la relève de son père. "Je n'aurais pas pu laisser ça à quelqu'un d'autre", avoue-t-il devant ce panorama unique.
A peine arrivé, le cheptel de 5 à 600 moutons, après quelques cabrioles, s'éparpille. Ils vont, pendant dix heures, paître à volonté la flore halophile (qui résiste à l'eau de mer): salicorne, obione, et puccinelli.
Une alimentation et un rythme de vie qui va faire toute la différence. "En plus de pâturer, ils vont gambader plus d'une dizaine de kilomètres par jour, ça va éviter aux graisses de se déposer comme pour un agneau de bergerie, il sera moins gras", explique Yannick. "La viande sera plus douce en bouche", avec un goût moins prononcé que l'agneau classique. "C'est une autre viande, très différente", assure le berger.
- Affaire de famille -
"Depuis quatre générations on fait du mouton pré-salé, on a ça dans les gènes", explique Yannick, bâton de berger à la main.
Les médias se succèdent chez cet homme charismatique qui fait partie des 15 éleveurs (dix Normands et cinq Bretons) sur les 40 plus ou moins professionnels de la célèbre baie, à s'être engagés dans la démarche de l'AOC et de l'AOP.
L?Appellation d'origine contrôlée (AOC, norme française) a été obtenue en 2009, l'Appellation d'origine protégée (AOP, normes européenne) en 2014. Une fierté pour le berger qui s'est battu pour cette reconnaissance. "Notre agneau est un des plus prestigieux de France", assure Yannick, qui a repris la bergerie des mains de son père il y a 27 ans.
Certains de ces agneaux seront consommés à l'occasion de la semaine pascale, une semaine où les Français vont manger cinq fois plus de viande d'agneau qu'à l'ordinaire, selon le Centre d'information des viandes (CIV).
"Pâques reste pour les éleveurs ovins en France un potentiel de vente important, pour certains éleveurs ça représente jusqu'à 15 à 20% des ventes annuelles", confirme Yannick.
L'agneau pré-salé de Pâques, né au cours du mois de décembre, ne sera cependant pas sous appellation "Prés-Salés du Mont-Saint-Michel" car "il n'aura pas les 70 jours de pâture nécessaires pour l'AOP", explique l'éleveur.
Mais avec une alimentation composée de céréales et d'herbus, les agneaux prés-salés de Pâques auront quand-même cette finesse en bouche et ce goût si différent qui fait la réputation de cette viande, promet Yannick.
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