Déjà secouée par l'opération SwissLeaks, la filiale suisse de la banque HSBC voit la menace d'un procès se préciser en France: le parquet national financier (PNF) a requis cette semaine son renvoi en correctionnelle pour un système de fraude fiscale à grande échelle.
Dans ses réquisitions, le PNF demande qu'HSBC Private Bank Suisse (HSBC PB) comparaisse pour démarchage illicite de clients et blanchiment de fraude fiscale en 2006-2007, a annoncé à l'AFP une source judiciaire, confirmant une information du Monde.
"Ceci est une étape normale de la procédure judiciaire et l'issue du dossier n'est aujourd'hui pas encore déterminée", a réagi la banque suisse, dans une brève déclaration.
Ces réquisitions font suite à un échec des négociations entre la justice française et la banque pour une procédure de "plaider-coupable", la banque ayant refusé de s'acquitter de l'amende envisagée, selon une source proche du dossier, qui a refusé d'en préciser le montant. Sollicité sur ce point, le PNF s'est refusé à tout commentaire. L'amende peut atteindre la moitié des fonds que la justice considère comme blanchis.
Après d'éventuelles observations des parties, il appartient aux juges d'instruction Guillaume Daïeff et Charlotte Bilger, qui avaient mis en examen HSBC PB, de décider son renvoi au tribunal correctionnel ou un non-lieu.
Il y a un mois, la banque britannique, la première en Europe, avait été ébranlée par l'opération SwissLeaks, des révélations d'un réseau mondial de journaux sur des pratiques d'évasion fiscale à grande échelle passées par sa filiale suisse, basée à Genève.
Selon Le Monde qui a initié l'opération, quelque 180,6 milliards d'euros appartenant à plus de 100.000 clients et 20.000 personnes morales ont transité, entre novembre 2006 et mars 2007, sur des comptes de la banque en Suisse, dissimulés derrière des structures offshore.
Le montant des avoirs cachés français se serait élevé à plus de 5 milliards d'euros pour près de 9.000 clients, selon le quotidien.
Le géant bancaire avait fait profil bas, reconnaissant des "manquements" tout en assurant que ces pratiques appartenaient au passé.
- 'Listes Falciani' -
L'affaire avait commencé par la remise aux autorités françaises fin 2008 des fichiers volés par l'informaticien Hervé Falciani, débauché par HSBC Suisse auprès de sa filiale monégasque plusieurs années auparavant.
Cet acte a permis d'ouvrir plusieurs enquêtes en Europe, notamment en Espagne et en Belgique. En France, les enquêteurs ont pu s'appuyer sur des clients démasqués par ces fichiers et qui ont reconnu les faits, mettant en cause HSBC Private Bank.
"L'enquête très sérieuse des juges, largement favorisée par les révélations exceptionnelles d'Hervé Falciani, a mis en lumière une véritable industrie du blanchiment alimentée par un démarchage organisé et structuré de clients français", a déclaré à l'AFP l'avocat de M. Falciani, Me William Bourdon.
"A la lecture du réquisitoire, personne ne peut douter du fait que l'autorégulation promise par les banques et notamment HSBC est une faillite absolue", a-t-il ajouté.
Pour les juges d'instruction, l'enquête montre qu'HSBC PB "a bénéficié du produit des faits de fraude fiscale et, en organisant l'opacification de flux financiers, a blanchi les fonds d'origine illicite, permettant à des milliers de clients détenteurs d'avoirs très importants de les soustraire à l'administration fiscale française", selon une source proche du dossier.
La banque est notamment soupçonnée d'avoir utilisé de nombreux trusts et sociétés écrans pour aider ses clients fortunés à dissimuler leurs avoirs.
Les enquêteurs ont aussi la conviction que des solutions ont été proposées aux clients pour échapper à l'application d'une directive européenne sur l'imposition des revenus de l'épargne (ESD).
En France, des fraudeurs présumés sont dans le viseur de la justice, comme Arlette Ricci, l'héritière de la maison de couture du même nom, débusquée sur les fameuses "listes Falciani". Lors de son procès, le PNF a requis contre elle quatre ans de prison dont deux ferme, trois millions d'euros d'amende et des saisies immobilières. La décision est attendue le 13 avril.
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