La peur du cancer les "suit": le conseil de prud'hommes de Paris a examiné jeudi le recours contre la SNCF déposé par plus de 150 cheminots exposés à l'amiante durant leur carrière, qui réclament la reconnaissance de leur "préjudice d'anxiété".
A l'issue de l'audience, à laquelle ont assisté une trentaine de plaignants, la décision a été mise en délibérée au 1er juin.
Ce sont en tout quelque 150 agents, en poste ou retraités, qui ont rallié cette procédure lancée par le syndicat SUD-rail en juin 2013, juste avant la réduction du délai de prescription.
Tous affirment avoir côtoyé à un moment la substance hautement cancérigène au travail, entre les années 1970 à 2000, et subissent régulièrement des examens médicaux pour vérifier si un cancer lié à l'amiante apparaît. Chaque plaignant réclame 12.000 euros de dommages et intérêts.
Une majorité travaillait dans des ateliers de maintenance du matériel, comme Pascal, un cheminot de 55 ans qui a manipulé des semelles de frein amiantées.
"Avant, je n'étais pas plus anxieux que ça, confie le cheminot, mais on m'a trouvé des nodules, des tâches aux poumons, il y a trois ans. Pour l'instant il n'y a pas de cancer, ça peut rester comme ça, comme ça peut se déclarer".
"Quand vous passez dans le tunnel tous les ans pour l'IRM et que vous attendez les résultats, vous n'êtes pas forcément à l'aise", explique Gérard, retraité, 37 ans de carrière au sein des services électriques, dans la Manche. La peur d'être rattrapé par le cancer "vous suit", ajoute cet homme de 58 ans. "Vous ne savez pas si ça va vous tomber dessus un jour."
Selon SUD-rail, entre 30 à 50 agents ou ex-agents décèdent en moyenne chaque année d?un des cancers de l?amiante et plus de 200 nouveaux malades sont diagnostiqués par an. A ce rappel, un plaignant jure et murmure, lors de l'audience: "c'est plus d'un tous les deux jours".
- '200 malades diagnostiqués par an' -
Plus de 13.500 personnes étaient médicalement suivies en 2013 en raison de risques d'exposition passés ou présents, dont plus de 7.500 cheminots en activité en "surveillance médicale renforcée amiante", affirme le syndicat.
SUD-rail réclame "une double reconnaissance: la reconnaissance du préjudice d'anxiété, car les agents vivent très mal cette situation et ensuite la reconnaissance que la SNCF a mis ces gens-là en danger en ne les protégeant pas. Ils ont besoin que le conseil dise que la SNCF les a maltraités", a expliqué à l'AFP Dominique Malvaud, représentant du syndicat à l'audience. SUD-rail a réclamé à la SNCF 20.000 euros au titre de dommages.
La Cour de cassation a consacré en 2010 le droit des anciens travailleurs de l'amiante à être indemnisés pour le préjudice dû à la crainte de contracter des maladies, dont la période de latence peut aller jusqu'à 30 ans.
La SNCF a été condamnée pour la première fois au titre de ce préjudice d'anxiété en octobre 2014, à Paris, dans une affaire concernant huit salariés d'un sous-traitant (ISS) chargés de nettoyer l'atelier de maintenance de la compagnie au Mans (Sarthe). Le groupe a fait appel.
Mais un arrêt de la Cour de cassation tombé le 3 mars risque de limiter considérablement le champ d'application du préjudice d'anxiété, en le restreignant aux salariés des entreprises inscrites sur la liste ouvrant droit à l'Allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata). La SNCF n'en fait pas partie.
Il est "absolument impératif que l'entreprise figure sur cette liste et que les salariés bénéficient" de l'allocation de pré-retraite spécifique, mise en place par le législateur en 1998, a fait valoir à l'audience l'avocat du groupe public, Me Michel Bertin.
Cette liste concernant uniquement "le secteur privé", la SNCF, qui est un établissement public, a pris "des dispositions calquées" sur ce système pour ses salariés, a plaidé pour les cheminots Me Xavier Robin.
L'avocat a appelé les Prud'hommes à "résister" à cet "arrêt isolé et stupéfiant" de la Cour de cassation qui "crée une rupture d'égalité pas admissible" entre les salariés.
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