Rivalités, "disparité" des résultats, effectifs mal répartis en fonction de la criminalité: la Cour des comptes tire à boulets rouges, dans un référé publié mercredi, sur les forces de l'ordre en stigmatisant la légendaire guerre des polices.
Les référés sont des observations et des recommandations formulées par la haute juridiction sur la gestion des services de l?État. La Cour s'est ainsi attachée, dans son travail, à la "fonction de police judiciaire" dans les forces de l'ordre.
Le constat est sans appel: "L'exercice des missions de police judiciaire se caractérise par une coopération encore insuffisante" entre services de police, d'une part entre eux et d'autre part avec ceux de la gendarmerie, écrit son premier président, Didier Migaud, dans ce référé adressé aux ministres de la Justice et de l'Intérieur, Christiane Taubira et Bernard Cazeneuve.
La Cour souligne également la "grande disparité entre ces services dans l'élucidation des crimes et délits" ainsi qu'une "répartition territoriale déséquilibrée" de leurs effectifs "par rapport au nombre et à la gravité des faits à traiter".
Tout le monde en prend pour son grade. Ainsi, "sur le plan opérationnel", la Cour critique d'abord la guéguerre interne entre services policiers: agents de sécurité publique - les gardiens de la paix - et ceux de la police judiciaire (PJ) "fonctionnent de façon cloisonnée", disent les magistrats, appelant de leurs v?ux une "réforme plus profonde de l'organisation territoriale" de la police.
Ils s'attachent surtout longuement à épingler la "concurrence" entre enquêteurs de police et de gendarmerie qui a nourri nombre de romans policiers. Et qui perdure, selon tous les spécialistes des affaires policières, en dépit du rattachement de la gendarmerie, une force militaire, au ministère de l'Intérieur en 2009. Jusqu'alors la place Beauvau n'avait que la police, civile, sous sa tutelle.
"Il n'est pas rare, argumente la Cour, que les deux forces", police et gendarmerie, "se disputent l'attribution des affaires complexes" et il "n'existe entre elles que peu de coopération opérationnelle".
- "Excessif", selon Cazeneuve -
"Le partage du renseignement, dénonce-t-elle encore, clé de voûte du métier des enquêteurs judiciaires, reste rare et alimente les rivalités."
"La police nationale" implantée en zone urbaine "revendique () une répartition" des affaires liée à la criminalité organisée ou au terrorisme. Elle laisse à la gendarmerie, plus traditionnellement implantée en zone rurale, toujours selon la Cour, cambriolages ou vols de métaux, autrement dit les "voleurs de poules". Et les deux, critique-t-elle, travaillent en outre "sur les mêmes cibles".
Didier Migaud fustige également la différence de taux d'élucidation des affaires (identification des auteurs présumés) avec des chiffres précis: 23% à Corbeil (Essonne), très urbanisée, 70% à Argentan (Orne), plus rurale, toutes deux en zone police.
Idem dans les dix départements, situés en zone gendarmerie, où il y a "le plus grand nombre d'atteintes aux biens" (cambriolages par exemple). Le taux d'élucidation n'est que de 9% à 16% en moyenne.
Dans sa réponse, Bernard Cazeneuve évoque un "tableau particulièrement sombre", qui lui "semble excessif". Soulignant les efforts engagés et la réactivité face aux attentats parisiens de janvier, le ministre se dit cependant ouvert aux recommandations préconisées par la juridiction tel un meilleur échange des renseignements.
La garde des Sceaux plaide, pour sa part, pour un meilleur protocole police/gendarmerie/justice, afin de "clarifier les compétences judiciaires" des deux forces de sécurité.
Et tacle, comme la Cour, l'abandon d'un projet envisagé début 2014 par le gouvernement d'une structure commune audacieuse police/gendarmerie en Corse. Il n'a jamais vu le jour en raison de nombreuses oppositions internes. Il avait reçu un "accueil favorable de ma part", écrit Christiane Taubira.
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