L'ancien policier tchétchène et principal suspect de l'assassinat de l'opposant russe Boris Nemtsov a clamé son innocence, selon une commission russe des droits de l'Homme qui l'a rencontré en cellule et a affirmé mercredi que ses aveux avaient été extorqués sous la torture.
Plus de deux semaines après la mort de Boris Nemtsov, c'est la première fois que des déclarations complètes de Zaour Dadaïev, 31 ans selon la presse russe, parviennent de la cellule de la prison de Lefortovo où il est incarcéré pour le meurtre présumé de l'ancien vice-Premier ministre, un acte condamné par la communauté internationale.
Un membre du Conseil consultatif pour les droits de l'Homme auprès du Kremlin, Andreï Babouchkine, et une journaliste et militante des droits de l'Homme, Eva Merkatcheva, ont pu mardi rendre visite au suspect pour vérifier les conditions de son arrestation et de son incarcération. M. Babouchkine a rapporté à l'AFP les déclarations de Zaour Dadaïev pendant leur entrevue.
"Il y a des raisons de croire que Zaour Dadaïev a avoué sous la torture", a déclaré M. Babouchkine.
"Nous ne pouvons pas affirmer qu'il a été torturé (), mais nous avons découvert de nombreuses blessures sur son corps", a-t-il indiqué, évoquant notamment des "écorchures" de menottes sur les poignets et les jambes.
M. Dadaïev, policier dans une unité des forces spéciales tchétchènes jusqu'au 28 février, soit le lendemain de la mort de Nemtsov, a affirmé à ses visiteurs avoir passé "deux jours, menotté et avec un sac en tissu sur la tête" après son arrestation. Il s'est plaint également d'avoir été privé de nourriture pendant 48 heures et de n'avoir pu boire que "trois ou quatre gorgées d'eau" durant cette période.
Après les accusations d'usage de la torture, une pratique courante en Russie dans les prisons ou lors des arrestations, le Comité d'enquête russe, chargé de l'enquête sur la mort de l'opposant, a mis en garde l'"ingérence inadmissible" des défenseurs des droits de l'Homme dans l'enquête et a annoncé son intention de les convoquer pour un interrogatoire.
La journaliste Eva Merkatcheva a démenti toute ingérence et a souligné n'avoir posé "aucune question sur le déroulement de l'enquête" à Zaour Dadaïev.
- "Je suis innocent" -
"On me criait tout le temps: +C'est toi qui as tué Nemtsov?+. Je répondais que non", a déclaré M. Dadaïev, selon les propos rapportés par M. Babouchkine.
Zaour Dadaïev a affirmé se trouver avec un ami au moment de son arrestation en Ingouchie, une république voisine de la Tchétchénie. Les policiers "ont dit que si j'avouais, ils allaient le relâcher", a-t-il dit. "J'ai accepté en pensant que j'allais ainsi le sauver", a-t-il ajouté, toujours selon M. Babouchkine.
"Je pensais que lorsque je serais emmené à Moscou, je pourrais dire devant le tribunal toute la vérité, dire que je suis innocent. Mais le juge ne m'a pas donné la parole".
Arrêté avec quatre autres suspects, parmi lesquels deux de ses cousins, Anzor Goubachev et Chaguid Goubachev, M. Dadaïev a été inculpé dimanche. Alors que le juge a annoncé que la participation de M. Dadaïev était "confirmée par ses aveux", les autres suspects ont nié toute implication dans le meurtre.
"J'ai lutté contre des criminels pendant 11 ans, en protégeant les intérêts de Russie. Pourquoi on ne met pas en prison ceux qui sont contre la Russie? () Où est la justice?", s'est insurgé M. Dadaïev.
L'homme fort de Tchétchénie, Ramzan Kadyrov, avait également affirmé ne pas comprendre les motifs de l'arrestation de M. Dadaïev, "un vrai patriote russe", décoré en 2010.
Boris Nemtsov, 55 ans, a été abattu de quatre balles dans le dos au pied du Kremlin le 27 février. Les enquêteurs avaient affirmé dans la foulée n'écarter aucune piste, envisageant tout aussi bien celle des islamistes que celle de nationalistes russes mécontents des critiques lancées par l'opposant à l'égard du rôle de la Russie dans la crise ukrainienne.
Le journal indépendant russe Novaïa Gazeta a affirmé mercredi que des "tueurs à gages en provenance de Tchétchénie" ont établi une "liste" de journalistes et personnalités russes à abattre pour leur position antirusse, qui inclut notamment Alexeï Venediktov, rédacteur en chef de la radio Echo de Moscou, et l'ex-oligarque russe Mikhaïl Khodorkovski.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a qualifié ces affirmations d'"absurdes".
Pour sa part, Olga Pismanen, la porte-parole de M. Khodorkovski, a annoncé mercredi via les réseaux sociaux avoir découvert une couronne mortuaire près de la porte de son appartement.
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