Certains y voient une étape, d'autres une avancée insuffisante, d'autres encore une dérive dangereuse: l'Assemblée examine à partir de mardi après-midi la proposition de loi PS-UMP sur la fin de vie, qui divise dans ces deux familles politiques et bien au-delà.
1.051 amendements, selon une source parlementaire, ont été déposés sur le texte qui vise à aménager la législation de 2005. Il doit être discuté jusqu'à mercredi soir au moins, avant un vote solennel le 17 mars.
Le cadre du texte d'Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (UMP) avait été fixé dès juin 2014 avec une mission confiée par Manuel Valls dans un "esprit de rassemblement". François Hollande, qui avait promis durant la campagne présidentielle un droit à "une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité", a fait "siennes" les propositions des deux parlementaires.
Ils préconisent un "droit à la sédation profonde et continue" jusqu'au décès pour les malades incurables et dont le pronostic vital est engagé à court terme. Les "directives anticipées", par lesquelles chacun peut stipuler son refus d'un acharnement thérapeutique, seraient rendues contraignantes.
Le patient "pourra réclamer de dormir avant de mourir pour ne pas souffrir" et, par l'arrêt des gestes de réanimation, "la mort intervient dans quelques heures ou quelques jours", a expliqué M. Leonetti à France 2.
Le président de l'Assemblée Claude Bartolone (PS) souhaite un "débat apaisé" sur un sujet pouvant faire l'objet de "convictions" mais "point de certitude".
Pro et anti-euthanasie, qui rejettent la proposition de loi pour des raisons diamétralement opposées, ont prévu de se rassembler près du Palais Bourbon à la mi-journée, bien avant le début des débats des débats en fin d'après-midi.
Soulager mais pas tuer, un collectif d'associations emmenées par Alliance Vita, mouvement proche de la Manif pour tous, demande "des ajustements pour sécuriser patients et médecins contre les dérives inéluctables" du texte.
- "Assistance médicalisée active à mourir" -
Pour leur part, les membres de l'Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD) ne veulent pas "mourir de faim et de soif après plusieurs jours d?une agonie lente et hypocrite", et réclament une "loi d?ultime Liberté" incluant l'euthanasie active.
Le débat va bien au-delà de ces militants et traverse la société. Pour preuve, cinq des plus hauts dignitaires religieux en France, chrétiens, juif et musulman, ont lancé lundi un "appel pressant" afin que la prochaine loi ne puisse pas conduire à "décider de donner la mort".
La presse évoque mardi un texte polémique et, à l'instar des Dernières Nouvelles d'Alsace, considère la recherche d'un consensus "illusoire sur un sujet aussi polémique et radicalisé".
La ministre de la Santé Marisol Touraine salue, elle, une proposition qui "se place du côté du malade" et marque "une étape sûrement, mais une avancée certainement".
Au sein même des socialistes, les positions divergent. Emmenés par Jean-Louis Touraine, professeur de médecine élu du Rhône, et Philip Cordery, député des Français du Benelux, où l'euthanasie est légale, quelque 120 députés portent un amendement préconisant une "assistance médicalisée active à mourir". Ecologistes et radicaux de gauche soutiennent des amendements identiques.
Une autre partie des députés PS appuie le texte co-écrit avec le principal groupe d'opposition. A l'initiative de l'ex-ministre Michèle Delaunay, cancérologue, 124, dont l'ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault, ont signé une tribune sur lemonde.fr en faveur des "nouveaux droits" qu'elle porte, "fruit d'un dépassement et non d'un compromis".
Le président du groupe PS Bruno Le Roux, dont la position personnelle va pourtant "plus loin" et "depuis très longtemps", demande aussi un "temps de rassemblement", car "ce texte est une avancée".
Côté UMP, existe aussi une fracture entre une majorité adhérant à une proposition jugée "équilibrée", et quelques dizaines de députés voulant en rester à la loi Leonetti de 2005. Souvent membres de la conservatrice Entente parlementaire pour la Famille, ils entendent occuper le terrain à partir de mardi soir avec des centaines d'amendements.
Enfin, pour compléter ce panorama éclaté de l'Assemblée, éloigné du consensus souhaité par l'exécutif et parfois à front renversé, une majorité des députés UDI et du Front de gauche soutiennent le texte PS-UMP.
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