L'ex-Première dame Simone Gbagbo a été condamnée mardi matin à 20 ans de prison, une peine deux fois supérieure aux réquisitions, pour son rôle durant la crise post-électorale de 2010-2011, dont elle est désignée comme une protagoniste majeure.
La Cour "condamne à l'unanimité" Simone Gbagbo à "vingt ans" de prison pour "attentat contre l'autorité de l'Etat, participation à un mouvement insurrectionnel et trouble à l'ordre public", a énoncé le juge Tahirou Dembelé, après plus de 9 heures de délibération du jury.
Le parquet général avait requis une peine moitié moindre, soit dix ans d'emprisonnement, contre l'ex-Première dame. Le procès en assises avait débuté fin décembre.
Surnommée "la Dame de fer" ivoirienne au temps où son mari Laurent était au pouvoir, Simone Gbagbo, vêtue d'une robe bleu clair, a accusé le coup à l'énoncé du verdict, son visage se durcissant.
Elle est "un peu affectée", a commenté à l'AFP Me Rodrigue Dadjé, l'un de ses avocats, qui a dénoncé "une décision purement politique". "J'ai honte pour la justice ivoirienne", a-t-il tonné, annonçant un pourvoi en cassation.
Dans le droit ivoirien, la procédure d'appel n'existe pas pour des condamnations en assises.
Certains accusés ont entonné "l'Abidjanaise", l'hymne ivoirien, au terme d'une journée judiciaire marathon dont le public a raté l'épilogue, exclu en fin de soirée du tribunal "pour des raisons de sécurité", selon le procureur général.
"On a montré que l'impunité en Côte d'Ivoire ne doit plus continuer", s'est de son côté réjoui Soungalo Coulibaly, l'un des avocats de l'Etat ivoirien, l'unique partie civile du procès.
79 personnes, dont Simone Gbagbo, étaient jugées pour leur rôle dans la crise post-électorale de 2010-2011, causée par le refus de Laurent Gbagbo de reconnaître la victoire de l'actuel chef de l'Etat Alassane Ouattara à l'élection présidentielle de novembre 2010. Les violences entre les deux camps ont fait plus de 3.000 morts en cinq mois.
L'ancienne Première dame, 65 ans, est un personnage politique très clivant en Côte d'Ivoire.
Elle a été autant respectée pour son parcours dans l'opposition que redoutée dans son rôle de "présidente" à poigne, souvent accusée d'être liée aux "escadrons de la mort" contre les partisans d'Alassane Ouattara, qu'elle a toujours honni.
- 'Je pardonne les injures' -
Le 23 février dernier, lors de son audience, Simone Gbagbo, tantôt souriante, ironique ou cinglante, s'était livrée à une diatribe enflammée contre le régime ivoirien actuel et contre la France, qui selon elle a soutenu l'actuel chef de l'Etat ivoirien.
Confrontée à cinq témoins, dont deux ont affirmé l'avoir vu livrer des armes à des jeunes d'Abidjan, elle avait calmement nié. "Je ne me reconnais pas dans les faits. Je ne connais pas ces personnes".
Invitée lundi après-midi à livrer ses derniers mots à la barre, la très dévote ancienne Première dame, faisant plusieurs références à la Bible, a déclaré "pardonner" à la partie adverse ses "injures".
"J'ai trouvé les avocats de la partie civile outranciers. J'ai subi humiliation sur humiliation durant ce procès. Mais je suis prête à pardonner. Je pardonne les injures, je pardonne les outrances. Car si on ne pardonne pas, ce pays connaîtra une crise pire que ce que nous avons vécu", a-t-elle affirmé.
Simone Gbagbo est, tout comme son époux, accusée de "crimes contre l'humanité" par la Cour pénale internationale. Mais alors que Laurent Gbagbo comparaîtra à La Haye en juillet, Abidjan refuse son transfèrement à la CPI au motif que la justice ivoirienne est en mesure de la juger équitablement.
Le procès, présenté comme le plus important pour la Côte d'Ivoire depuis la fin de la crise, a été entaché de nombreux manquements, aucune preuve matérielle n'ayant été fournie pour confondre les accusés, dénoncent des organisations de la société civile et les sympathisants pro-Gbagbo.
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