La France se sent bien seule, et aux limites de ses capacités, face aux défis sécuritaires qui s'accumulent du Sahel au Nigeria, le reste de l'Europe se limitant pour l'heure à des déclarations d'intention.
Deux ans après l'intervention française au Mali, qui a refoulé les groupes islamistes armés du nord du pays sans les éradiquer, l'attentat anti-occidental de Bamako, revendiqué samedi par le chef jihadiste algérien Mokhtar Belmokhtar, a un goût amer pour les forces françaises.
"On ne voit pas tellement comment la France peut faire plus que ce qu'elle fait dans toute cette zone sahélo-saharienne. Il ne faut pas se leurrer, il y a 3.000 soldats dans l'opération Barkhane. La France aide aussi les troupes tchadiennes au niveau du renseignement, de la logistique dans la force multinationale régionale contre Boko Haram", relève le chercheur français Antoine Glaser, spécialiste de l'Afrique.
Après la fin de l'opération Serval au Mali à l'été 2014, Paris a réorganisé son dispositif militaire au Sahel autour de cinq pays (opération Barkhane), partant du constat que les flux jihadistes, par définition transfrontaliers, devaient être combattus à l'échelle de toute la région.
Régulièrement, les soldats français repèrent et traquent des convois d'armements en provenance de Libye, des petits groupes de combattants disséminés au Mali ou dans les pays voisins.
Avec 9.000 hommes mobilisés sur des théâtres d'opérations extérieures et tout autant sur le territoire national dans le cadre du plan antiterroriste Vigipirate, l'armée française est, de l'avis général, à la limite de ses moyens.
La parade est aussi par définition limitée face à des attentats du type de celui de Bamako, perpétré par un homme armé de simples grenades et d'une Kalachnikov et qui a tiré sur la clientèle d'un restaurant, faisant cinq morts.
La force Barkhane envisage d'ailleurs essentiellement de renforcer sa coopération en matière de renseignement avec les autorités maliennes, indiquait-on lundi au ministère de la Défense à Paris.
- 'Un camion lâché sans freins' -
La France martèle par ailleurs qu'elle ne peut pas faire plus en Afrique, notamment contre le groupe nigérian Boko Haram qui vient de faire allégeance à l'organisation de l'Etat Islamique, et qu'il revient aux Africains de prendre progressivement en mains leur destin sécuritaire.
"La France a une amitié traditionnelle avec l'Afrique, nous pouvons aider mais pas faire tout tout seuls", a insisté le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, lors d'une tournée fin février dans la région.
Les Tchadiens sont désormais en première ligne face à Boko Haram, épaulés par les Nigériens.
L'armée américaine fournit aux militaires français du renseignement, via notamment des drones de surveillance basés au Niger. Mais les Etats-Unis, préoccupés avant tout par la situation en Syrie et en Irak, ont tendance à laisser la main aux Français en Afrique.
En pleine campagne électorale et restructuration de leur armée, les Britanniques sont pour leur part les grands absents, y compris au Nigeria, leur ancienne colonie.
Paris répète à l'envi que le fardeau sécuritaire doit être plus "équitablement réparti" entre pays de l'Union européenne, que ce soit en moyens militaires ou financiers.
Le message est relayé par la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, qui a appelé ce week-end à renforcer la contribution de l'UE "à la lutte contre le terrorisme" dans la région, notamment en Libye, où l'Etat islamique gagne du terrain, menaçant d'envoyer des vagues humaines de migrants vers l'Europe.
Après la France, l'Italie a tenté de sensibiliser à son tour la communauté internationale à l'urgence libyenne, tout en écartant pour le moment une intervention militaire. "On ne peut rien faire", résume un diplomate européen, en comparant la situation en Libye à "un camion lâché sans freins".
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a repris pour sa part son antienne sur la nécessaire création d'une armée européenne afin de faire face aux nouvelles menaces aux frontières de l'UE.
"Il faudrait de fait augmenter les capacités militaires et d'intervention (des Etats et de l'UE) mais c'est de plus en plus tabou dans beaucoup de pays européens", en raison des contraintes budgétaires liées à la crise mais aussi d'une certaine "fatigue" après les précédents d'Irak et d'Afghanistan, résume Vivien Pertusot, responsable du bureau de l'Ifri (Institut français des Relations internationales) à Bruxelles.
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