La quasi-totalité des sénateurs républicains, très sceptiques quant aux négociations sur le nucléaire iranien, ont prévenu lundi Téhéran que tout accord avec Barack Obama sur le nucléaire ne deviendrait permanent qu'avec l'aval du Congrès, à trois semaines de l'échéance théorique pour un règlement politique.
Dans une lettre ouverte adressée aux "dirigeants de la République islamique d'Iran", 47 des 54 sénateurs républicains ont contourné le président américain pour prévenir les Iraniens que le Congrès disposait, seul, du pouvoir de lever définitivement les sanctions contre l'Iran, adoptées sous la forme de lois ces dernières années.
"Il a été porté à notre attention, en observant vos négociations nucléaires avec notre gouvernement, qu'il était possible que vous ne compreniez pas totalement notre système constitutionnel", écrivent les élus.
La Maison Blanche a vivement dénoncé l'attitude "partisane" des sénateurs républicains. Ce courrier est "la poursuite d'un effort partisan visant à affaiblir la capacité du président à mener la politique étrangère" des Etats-Unis, a déclaré Josh Earnest, porte-parole de l'exécutif américain.
Les républicains, et plusieurs démocrates, sont ouvertement hostiles à l'accord qui se dessine entre le groupe 5+1 (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et l'Allemagne) et l'Iran. Pour influencer, voire faire échouer, les négociations, ils ont placé la barre très haut, certains demandant le démantèlement total de l'infrastructure d'enrichissement, ou que tout règlement soit élargi à des domaines comme le "soutien au terrorisme".
Ils soulignent une évidence: si Barack Obama a le pouvoir, par décret, de suspendre les sanctions américaines contre l'Iran, son successeur pourra les rétablir d'un "simple trait de plume", a fortiori si un républicain est élu.
Pour annuler de façon permanente les sanctions américaines, le Congrès devra voter, martèlent-ils. Et d'insister: "par exemple, le président Obama quittera ses fonctions en janvier 2017, alors que la plupart d'entre nous resterons élus bien au-delà, peut-être pour des décennies".
- Deux lois en projet -
Une telle lettre à un dirigeant étranger est exceptionnelle - "Pour un étranger, Washington est pleine de surprises", a commenté l'ambassadeur de France aux Etats-Unis, Gérard Araud, sur Twitter.
Elle illustre les tensions croissantes entre l'administration Obama et les républicains, qui dominent la totalité du Congrès depuis janvier.
La semaine dernière, défiant la Maison Blanche, ils ont invité le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à prononcer un discours devant les deux chambres du Congrès, entièrement consacré à l'Iran et boudé par des dizaines d'élus démocrates.
"Nous ne connaissons pas les termes finaux de l'accord, mais nous savons que la conseillère du président pour la sécurité nationale, Susan Rice, a déjà concédé que l'Iran aurait une robuste capacité d'enrichissement d'uranium", a expliqué lundi le sénateur Tom Cotton, à l'initiative de la lettre, sur Fox News. Le 2 mars, Susan Rice avait qualifié la perspective d'un abandon des capacités d'enrichissement iraniennes de "ni réaliste, ni faisable".
Tom Cotton a aussi évoqué la rumeur d'une durée de 10 ans pour l'accord.
"Ces deux points à eux seuls rendent cet accord inacceptable, dangereux pour les Etats-Unis et pour le monde", a dit Tom Cotton.
Jusqu'à présent, la Maison Blanche a réussi à contenir le Congrès.
Un projet de sanctions préventives, qui entreraient automatiquement en vigueur à partir de juillet en cas d'échec des négociations, est en suspens au moins jusqu'au 24 mars, une date qui coïncide plus ou moins avec l'échéance fixée par les négociateurs pour un règlement politique (fin mars, avec finalisation technique avant le 30 juin).
Mais de plus en plus d'élus des deux partis apportent leur soutien à une autre proposition de loi, initiée par le président de la commission des Affaires étrangères Bob Corker, qui obligerait Barack Obama à soumettre au Congrès tout accord, et donnerait 60 jours aux parlementaires pour éventuellement s'y opposer. L'examen de cette mesure doit commencer prochainement.
Pour Barack Obama, ces initiatives parlementaires risquent de faire capoter les discussions.
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