Claude Guéant était présenté samedi à un juge dans l'enquête portant sur ses tableaux flamands et sur les soupçons de financement par la Libye de Kadhafi de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007.
L'ancien ministre de l'Intérieur est arrivé en voiture vers 15H40 au pôle financier du tribunal de grande instance de Paris à l'issue d'une garde à vue entamée vendredi à l'aube à l'office anticorruption (Ocliff) de Nanterre, a constaté un photographe de l'AFP.
Les juges financiers parisiens s'interrogent notamment sur la découverte lors d'une perquisition en février 2013 d'un virement de 500.000 euros sur le compte de Claude Guéant.
Un homme d'affaires saoudien, soupçonné d'avoir servi d'intermédiaire dans ce versement, a également été présenté au juge instructeur.
Selon une source proche de l'enquête, il est soupçonné d'avoir versé la somme de 500.000 euros sur le compte d'une société malaisienne qui l'aurait ensuite reversée sur le compte de Claude Guéant.
Le nom de cet homme d'affaires n'est pas inconnu de la justice française. Il était notamment apparu dans une autre enquête, celle dite de Karachi sur le financement de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur via des rétrocommissions présumées sur un contrat d'armement avec l'Arabie Saoudite, Sawari II.
Claude Guéant avait justifié ce virement par la vente en 2008 à un avocat malaisien de deux tableaux d'un peintre flamand du XVIIe, Andries van Eertvelt. Mais des experts avaient contesté la valorisation de ces ?uvres.
"C'est une opération qui est strictement privée () cela n'a strictement rien à voir avec la Libye", avait assuré M. Guéant à l'AFP lorsque l'affaire des tableaux flamands avait été révélée. "Au moment des perquisitions j'ai dit, je l'ai fait inscrire au procès verbal, que j'avais les justificatifs."
Les liens de Claude Guéant, qui avait notamment joué un rôle central dans les tractations avec d'anciens responsables libyens, comme l'ex-bras droit de Kadhafi, Bachir Saleh, ayant conduit à la libération des infirmières bulgares, comptent également parmi les interrogations des enquêteurs. Bachir Saleh serait en Afrique du Sud et les juges français veulent l'entendre.
- Troisième garde à vue -
Après de premières accusations de dignitaires kadhafistes dès 2011, les accusations d'un financement libyen de la campagne 2007 de Nicolas Sarkozy avaient été relancées de manière spectaculaire entre les deux tours de la présidentielle de 2012, lorsque Mediapart avait publié un document évoquant un accord du régime libyen de Mouammar Kadhafi pour financer M. Sarkozy, dont ce dernier assure qu'il s'agit d'un "faux grossier".
Attribué à Moussa Koussa, ex-chef des renseignements extérieurs libyens, ce document affirme que Tripoli avait accepté de financer pour "50 millions d'euros" la campagne 2007. Moussa Koussa a également qualifié ce document de "faux". Mais Mediapart défend avec force la thèse de l'authenticité, s'appuyant notamment sur une expertise selon laquelle la signature au bas du document est bien celle de Moussa Koussa. Une enquête pour "faux et usage de faux" pour vérifier l'authenticité du document est en cours.
Elle est distincte de celle confiée en avril 2013 à des juges sur le financement libyen présumé de Nicolas Sarkozy. Celle-ci est ouverte notamment pour "corruption active et passive" et "trafic d'influence", et confiée aux juges Serge Tournaire et René Grouman.
L'entourage de M. Guéant a relevé le caractère vexatoire de l'envoi à l'aube de policiers au domicile de l'ancien ministre de l'Intérieur vendredi, et s'est interrogé sur "l'intérêt de procéder comme s'il s'agissait d'un délinquant dangereux", sous-entendant une instrumentalisation politique du dossier avant les élections départementales.
C'est sa troisième garde à vue après celles ordonnées dans les affaires de l'arbitrage Tapie et des primes en liquide qu'il a perçues quand il était directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, au ministère de l'Intérieur.
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