"En ce moment, je perds 12.000 euros par mois", soupire Nicolas Leborgne, un éleveur de porcs des Côtes d'Armor. "Si le prix au kilo ne remonte pas immédiatement, dans trois mois, comme 150 éleveurs du département, je mettrai la clef sous la porte".
Depuis plusieurs mois, cet éleveur de Pluduno, près de Dinan, et ses collègues tirent la sonnette d'alarme, s'inquiétant du prix de leurs bêtes, bien inférieur à leur coût de production, de leur niveau d'endettement et du risque grandissant de déposer le bilan.
La semaine dernière, une centaine d'entre eux, exaspérés par les cours désespérément bas, ont laissé éclater leur colère en interrompant la vente au marché au cadran de Plérin, le marché qui sert de référence au niveau national, et en retenant plusieurs heures les acheteurs.
Ces derniers ont fini par être libérés, mais la tension n'est pas retombée. Et quelques éleveurs voudraient bien continuer à en découdre. "Parce que les gens sont à bout. Parce qu'ils sont en train de mourir".
Selon la FDSEA des Côtes d'Armor, 150 à 200 exploitants risquent de disparaître dans ce département. "Dans le silence, sans que personne ne dise rien", se désespère Nicolas Leborgne.
Lui a quitté son métier de technicien commercial dans une coopérative il y a six ans pour prendre la relève de son père. Il a retapé un ancien poulailler et investi 700.000 euros et aujourd'hui, sa porcherie abrite 200 truies, qui donnent environ deux portées par an.
A la dernière cotation, jeudi 5 mars, ses porcs s'échangeaient à 1,218 euro le kilo, quand son prix de revient se situe à 1,55 euro environ.
Ces cours si bas s'expliquent notamment par l'embargo russe sur la viande de porcs, alors que la Russie représentait le quart des exportations européennes. Mais les éleveurs pointent aussi la responsabilité de la grande distribution, et sa politique de prix bas.
Or, "si les GMS (grandes et moyennes surfaces) augmentaient leurs prix de 50 centimes, on soufflerait", assure le jeune éleveur. "On ne demande pas la mer à boire. Cinquante centimes, poursuit-il, ça représenterait 15 euros par an (supplémentaires) dans le panier de la ménagère".
- 'Le couperet de la banque' -
Mais ces 50 centimes, la grande distribution "n'a pas la volonté de les payer. Et l'Etat ne l'oblige pas" alors que des règles, environnementales ou concernant le bien-être animal notamment, ont été imposées aux éleveurs, contraints de réaliser d'importants investissements, déplore Nicolas Leborgne en passant entre les boxes où s'ébrouent ses truies.
Dans un espace séparé, la "maternité", 36 truies s'apprêtent à mettre bas. Chaque année, Nicolas Leborgne élève 5.200 porcs, un travail qu'il fait avec "passion". Mais la situation est telle qu'il a été obligé d'hypothéquer sa maison et que la famille, qui accueillera bientôt un troisième enfant, vit sur le salaire de l'épouse de Nicolas, assistante puéricultrice.
"Aujourd'hui, je suis révolté. Mais je ne suis pas encore tombé", ajoute le jeune homme, au côté de son père, venu "donner un coup de main". "J'y crois encore, mais on est en état d'urgence".
Avec un crédit de banque tiré au maximum, des charges qui s'accumulent, les prix de l'alimentation des bêtes qui augmentent --10.000 euros par semaine pour Nicolas Leborgne--, les crédits à rembourser aux coopératives, les perspectives semblent bien sombres. "Chaque jour, on se demande si le couperet de la banque va tomber", se lamente-t-il.
"Il faut continuer à bosser et bien bosser en attendant des jours meilleurs", conseille son père, Joseph Leborgne, désolé de voir son fils dans cette situation: "On n'installe pas son fils pour le voir dans la panade cinq ans après", explique-t-il.
Quant à Nicolas, s'il cessait son activité, il ne resterait plus dans "ce milieu. J'irai voir ailleurs, alors que c'est ma passion".
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