Allongé dans son cercueil en velours rouge, entouré de son père en pleurs et de sa mère inconsolable, le corps de Dmitri Alexandrov est mis en terre dans la douleur aux côtés de ceux de sept de ses camarades mineurs, tués dans un coup de grisou mercredi à Donetsk, dans l'est de l'Ukraine.
Le visage de Dmitri, 30 ans au moment de sa mort, porte encore de larges traces de brûlures, stigmates de l'explosion dans la mine de Zassiadko, située dans la banlieue de ce fief rebelle, qui lui a coûté la vie avec 32 autres mineurs.
Comme leurs camarades victimes des précédentes tragédies en 1999 et 2007, les huit mineurs sont enterrés les uns à côté des autres dans le carré qui leur est réservé au cimetière de Chtcheglovskoe, à deux pas d'une des entrées de l'immense mine, dont les allées portent encore la marque de mois de bombardements.
Comme des responsables et psychologues du ministère russe des Situations d'urgence venus prêter main forte, le directeur local de la mine de Zassiadko, l'une des plus grandes et des plus dangereuses d'Ukraine, a fait le déplacement.
Valentin Reznov prend la parole, peu après que la mère de Dmitri a embrassé son fils dans un dernier adieu, suppliant de toutes ses forces les employés funéraires de ne pas clouer le cercueil.
Pour chaque mineur tué, le même discours lu, dans lequel le directeur salue machinalement la perte d'"un ami loyal et dévoué".
Mais sitôt le directeur retourné vers sa voiture, Vladislav, le frère de Dmitri, ne mâche pas ses mots.
"J'accuse la direction de la mine d'être responsable de cette tragédie", lance-t-il.
Si les mineurs font habituellement corps comme un seul homme pour garder bouche cousue sur leurs conditions de travail dans le bassin houiller du Donbass, où les accidents mortels sous terre sont courants, la dernière tragédie semble avoir délié quelques langues.
Parmi les quelques dizaines de mineurs et de rebelles en armes venus saluer la mémoire des disparus, nombreux sont ceux qui assurent bien connaître les causes de ce qui s'est passé, entre colère et résignation.
"Tout le monde sait qu'à Zassiadko, il y a énormément de gaz et que la ventilation n'est pas à la hauteur. Il suffit d'une étincelle", confie à demi mot Vassili, un mineur à la retraite.
"Au début je voulais travailler là-bas car la paye est meilleure. Mais il y a eu un incendie, ça m'a ouvert les yeux", poursuit cet habitant de Donetsk, qui a passé 27 ans dans la mine Oktiabarskaïa, selon lui "bien plus sécurisée".
- 'Cadences intenables' -
Les autorités rebelles de Donetsk se sont dédouanées dès mercredi en affirmant avoir "demandé" sans succès à la direction de la mine d'"arrêter son activité" il y a un mois, les conditions de travail étant devenues trop mauvaises.
La mine de Zassiadko est détenue par le député ukrainien Ioukhim Zviaguilski, ancien allié du président prorusse Viktor Ianoukovitch. Son siège est situé sur le territoire contrôlé par Kiev. Malgré le conflit dans l'est séparatiste prorusse, qui a fait près de 6.000 morts en un peu plus de dix mois, la mine a continué à fonctionner.
"Il fallait dégazer la mine il y a longtemps. Mon frère pressentait deux semaines avant sa mort que cela se produirait. La direction a essayé de nous mentir, de nous tromper, mais les mineurs connaissent la vérité", assure Vladislav Alexandrov.
"Les cadences sont intenables. C'est toujours: allez, allez! Extrait plus et tu seras mieux payé", renchérit un autre mineur, refusant de donner son nom.
Les syndicats de mineurs ont dénoncé une situation qui s'aggrave depuis le début du conflit en Ukraine, avec cadences de travail accrues, normes de sécurité non respectées et salaires non versés depuis des mois.
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