Après la mise en examen jeudi du patron de la société Aristophil, les avocats d'épargnants ayant placé leur argent dans des manuscrits vont s'atteler à la tâche d'évaluer le possible préjudice de l'escroquerie présumée.
Outre Gérard Lhéritier et sa fille, deux juges d'instruction ont mis en examen un libraire qui menait des expertises et l'expert-comptable de la société. Le juriste ayant élaboré les contrats a été placé sous le statut de témoin assisté.
Selon une source judiciaire, quelque 18.000 épargnants ont souscrit à ces produits pour des contrats d'un total de quelque 850 millions d'euros, qui consistent à placer ses économies dans des lettres ou manuscrits historiques, acquis en entier ou en indivision.
Aristophil proposait des taux de rendement équivalant à 8 à 9% par an, mais la justice soupçonne un système pyramidal de cavalerie où les apports des nouveaux investisseurs servaient à payer ceux qui souhaitaient récupérer leur mise.
Toutefois, de l'avis de tous, le préjudice présumé réel sera compliqué à évaluer.
A l'inverse d'une pyramide Ponzi du type Madoff, le montage ne repose pas sur du vent mais sur des biens matériels, des lettres et manuscrits qui ont été saisis par la justice. A l'automne, Aristophil avait fait état de 135.000 documents auprès de l'AFP.
"Les clients d'Aristophil sont propriétaires de livres et de manuscrits authentiques de grande valeur", relève l'avocat de M. Lhéritier et de la société, Me Francis Triboulet qui cite comme exemple "le rouleau du marquis de Sade, une pièce de valeur inestimable".
Une partie des clients semble déterminée à demander des comptes à la justice. "Ils ne vont peut-être pas pouvoir recouvrer la totalité de leur créance", relève Me Nicolas Lecoq-Vallon, qui dit représenter plusieurs centaines de personnes.
"Le problème va être d'évaluer précisément le préjudice" car il semble "envisageable et possible de revendre ces manuscrits dans le temps" et "les victimes pourront probablement récupérer une partie de leur argent", relève son confrère Me Benoît Huet du cabinet Lysias, qui dit avoir été contacté par 150 personnes.
Pour évaluer un éventuel préjudice, il faudrait donc commencer par évaluer la valeur réelle des pièces au catalogue d'Aristophil.
- Anticiper de potentiels dédommagements -
"Dans quelle mesure ont-ils été surévalués?", interroge Me Huet qui relève qu'il y a "très peu d'experts compétents sur le marché" et que "la plupart d'entre eux semblent avoir travaillé pour Aristophil". Ce qui serait de nature à mettre en doute leur objectivité.
Outre le dossier pénal, les clients semblent déterminés à attaquer au civil mais les stratégies divergent.
Pour Me Lecoq-Vallon, la responsabilité des banques d'Aristophil est susceptible d'être engagée. Il relève qu'il y avait eu des alertes, notamment de l'Autorité des marchés financiers.
"Un banquier se doit de toujours vérifier la légalité de l'activité de ses clients" et "il pourrait être jugé que la banque aurait une responsabilité civile vis à vis des victimes à ce titre", a expliqué l'avocat selon qui près de la moitié des souscripteurs pourraient être étrangers.
Sans exclure à l'avenir une action en ce sens, Me Huet explique ne pas avoir "à ce stade d'information" permettant de mettre en cause les banques.
"Quand le préjudice sera évalué", il envisage toutefois des actions notamment "contre les conseillers en gestion de patrimoine qui ont commercialisé les produits financiers" d'Aristophil.
Dans le cadre de l'enquête préliminaire diligentée par le parquet, des saisies importantes ont été faites, pour anticiper de potentiels dédommagements en avoirs bancaires (105 MEUR) et en biens immobiliers (13 MEUR).
Des cautions élevées ont également été fixées dans le cadre des contrôles judiciaires: deux millions d'euros pour Gérard Lhéritier, un pour l'expert-comptable.
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