La Banque centrale européenne (BCE) s'est montré optimiste, jeudi, concernant les bienfaits de son nouveau programme de rachat de dettes, tout en maintenant un discours de fermeté vis-à-vis de la Grèce.
Fin janvier, l'institution monétaire de Francfort avait annoncé la mise en oeuvre d'un vaste programme de rachats de dettes publiques et privées pour plus de 1.000 milliards d'euros d'ici septembre 2016, sur le modèle de la Banque d'Angleterre ou la Réserve fédérale, afin de relancer la très faible dynamique des prix en zone euro.
Cette opération dite "d'assouplissement quantitatif", "QE" selon son acronyme anglo-saxon, doit débuter lundi au rythme de 60 milliards d'achats par mois, a annoncé lors d'une conférence de presse le président de l'institution Mario Draghi, à l'issue de la réunion de politique monétaire de son conseil des gouverneurs, organisée cette-fois-ci à Chypre.
L'Italien en a profité pour dévoiler quelques détails. La BCE est prête à acheter des obligations souveraines à taux négatif, mais pas au-delà du taux qu'elle-même applique aux dépôts des banques chez elle (-0,2%). Elle achètera par ailleurs des obligations émises par des institutions internationales et supranationales - l'Union européenne, ou encore la Banque européenne d'investissement par exemple - si les titres émis par les Etats membres de la zone euro venaient à manquer.
- déjà des effets positifs -
"Certaines personnes s'inquiètent du fait que nous pourrions ne pas réussir à acquérir assez d'obligations", mais M. Draghi juge ces craintes infondées.
"Nous voyons déjà un nombre significatif d'effets positifs liés à cette décision monétaire", s'est en outre félicité l'Italien, citant une embellie des conditions de financement au sein de la zone euro pour les entreprises et les ménages.
Les mesures annoncées par la BCE vont profiter à la croissance et "contribuer à ramener l'inflation vers un niveau inférieur mais proche de 2%", l'objectif de la BCE en terme de hausse des prix, a ajouté M. Draghi.
Cet optimisme, qui tranche avec la tonalité inquiète des derniers mois, se reflète dans les nouvelles projections économiques pour la zone euro publiées jeudi par la banque centrale. La BCE attend dorénavant une croissance du Produit intérieur brut (PIB) de 1,5% cette année et de 1,9% l'an prochain, contre des précédentes estimations de 1% et 1,5%. Elle table par ailleurs sur une hausse de 2,1% pour 2017.
La prévision d'inflation en zone euro a été abaissée pour 2015, chute des cours du pétrole oblige, mais relevée pour 2016. En 2017, la hausse des prix devrait atteindre 1,8%, en gros le niveau visé par la BCE.
Ces projections ne faisaient toutefois pas l'unanimité parmi les analystes. Elles "sont basées une hypothèse bien trop optimiste de succès du programme de rachat de dettes. Les risques pour l'économie de la zone euro restent élevés", jugeait Marcel Fratzscher, chef de l'institut économique allemand DIW.
"C'est comme si la BCE était elle-même un peu enivrée par l'annonce de son QE", renchérit Carsten Brzeski, économiste chez ING.
- fermeté sur la Grèce -
La traditionnelle séance de questions-réponses entre M. Draghi et les journalistes a été largement consacrée au cas grec. L'Italien a souligné que le pays ne serait pas éligible pour le moment aux rachats d'actifs dans le cadre du "QE".
Cela pourra être le cas quand la Grèce aura remboursé des obligations détenues par la BCE et qui arrivent à échéance en juillet, faisant repasser la proportion de sa dette souveraine détenue par la BCE sous le seuil de 33%.
Comme beaucoup s'y attendaient, le banquier central a maintenu un discours de fermeté vis-à-vis du pays. La BCE restaurera un régime permettant aux banques grecques de se refinancer auprès d'elle, a-t-il affirmé, à condition toutefois qu'Athènes mette en oeuvre les réformes promises en échange du soutien financier de ses partenaires européens.
Pour l'heure, ces conditions ne sont pas réunis, a martelé M. Draghi, rappellant que la BCE était "une institution fondée sur des règles".
"Le gouvernement ?uvre pour matérialiser" ses promesses de réformes, a réagi sobrement le gouvernement grec à Athènes.
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