Bottes cuissardes à talon et jean moulant, Olga Ichtchenko va et vient au milieu des rebelles prorusses et des vieilles dames dans le hall du centre culturel transformé en mairie. Olga a repris le flambeau de son mari, tué dans des circonstances troubles, à la tête d'une ville dévastée par les bombardements dans l'est de l'Ukraine.
Située à deux kilomètres de la ligne de front et près de 60 kilomètres du fief séparatiste de Lougansk, Pervomaïsk a subi des bombardements depuis l'été. Les immeubles sont perforés par l'artillerie. Les coupoles et les vitraux de l'église baptiste ont été soufflés. Partout dans la ville, les fenêtres sont brisées, les rues parsemées de cratères.
Les habitants qui n'ont pas fui les combats ont déposé au pied de la grande statut Lénine, sur la place centrale, les restes de roquettes Smerch ou Grad récupérés dans les gravats un peu partout dans la ville. Il y en a des dizaines.
"A Pervomaïsk, nous avons 280 immeubles et 170 ont été endommagés par les bombardements. Cela ne fait qu'une semaine que l'artillerie lourde ne tombe plus ici", dit la "maire", 37 ans, cheveux châtains et silhouette élancée.
Il y avait 76.000 habitants dans la ville avant le début du conflit. "Ils n'étaient plus que 8.000 au plus fort des bombardements" en janvier, dit l'édile. Mais les habitants reviennent et ils seraient 15.000 en ville maintenant. Plongées dans le silence, les rues désertes de Pervomaïsk ont des allures de ville fantôme.
Olga a été nommée "maire" vendredi par les autorités rebelles prorusses de la République populaire autoproclamée de Lougansk, en remplacement de son mari.
Celui qui se faisait appeler "Genia" a été tué le 22 janvier, dans sa ville, quelques jours après une série de très lourds bombardements, dans des circonstances troubles qui alimentent les rumeurs de règlement de comptes politique.
- Près d'elle, le sabre de son mari -
Après sa mort, "toute l'équipe municipale s'est tournée vers moi pour me demander de reprendre le flambeau. Les habitants me demandaient si j'allais prendre la suite". Olga n'a pas hésité.
Pour elle la priorité, c'est de "reconstruire les usines", comme l'usine de construction électro-mécanique Karl Marx, en partie détruite, "et de remettre tout le monde au travail pour que les salaires tombent de nouveau".
Dans son petit bureau gardé par de gros miliciens en armes, elle travaille avec ses deux assistantes. Ses fenêtres sont obturées par des sacs de sable empilés sur trois mètres. Elle a affiché un portrait de son mari derrière elle. Sur son bureau, elle a posé une toque en astrakan des cosaques du Don comme il en portait souvent. Pas loin, le sabre de cérémonie à manche de nacre qu'il gardait avec lui.
"Ça m'aide beaucoup de penser à lui", dit-elle. Ses yeux rougissent. Elle cherche ses mots. "J'aimerais bien savoir, moi, comment il est mort. Mais personne ne me répond", dit-elle de sa voix douce. "C'était un homme courageux, il n'avait pas de garde du corps".
- Institut de danse de Lougansk -
Olga est à l'aise dans ses nouveaux habits. "Le plus difficile est à venir", assure-t-elle. "Ici nous survivons grâce à l'aide humanitaire mais si elle s'arrête".
Elle, qui était mère au foyer jusque là, a étudié à l'institut de danse de Lougansk. Elle a vécu onze ans à Moscou. Pour elle, la mairie est un sacrifice élevé. Elle ne voit plus son fils de 7 ans, Stanislav, ni sa fille de huit mois, Anastasia. "C'est une jeune fille qui s'en occupe".
"C'est une femme courageuse, qui a pris ses responsabilités dans une ville détruite", dit Alexandre Pychniouk, un rebelle de 31 ans qui vient de déposer les armes pour rejoindre l'équipe municipale.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousA lire aussi
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.