Mélange d'énergie afro et de claquettes à la Fred Astaire, le pantsula sud-africain garde une image de danse de voyous. Le grand festival Dance Umbrella de Johannesburg faisait le pari cette année d'élever le genre au rang d'art de la scène.
Pratiquée depuis les années 1970 par des jeunes du township aussi désargentés que mordus, aimant porter des gants blancs et des pantalons à pince coupés trop courts, cette danse de rue authentiquement sud-africaine est déjà sortie du ghetto.
Mais peu de troupes tournent de façon professionnelle, à l'exception entre autres de Via Katlehong ou Via Vulcano qui se produisent en Europe, ou d'incursions dans des publicités ou podiums télévisés.
"Certains ne comprennent pas ce qu'il faut pour faire un spectacle qui passe la rampe au théâtre", explique Matthews Manamela, coordinateur du spectacle "Street Beat" proposé cette année par Dance Umbrella.
Pour la première fois, plusieurs troupes avaient été auditionnées, en même temps que des groupes de hip hop, puis quatre sélectionnées et entraînées par des chorégraphes pour soigner la qualité du show, lumières, enchaînements, ponctualité.
Rien n'a été perdu en spontanéité et en virtuosité dans cette danse qui exige une grande dextérité dans la coordination des pas et des expressions du visage, du souffle pour soutenir des accélérations et un talent de jongleur pour faire virevolter toute sorte d'accessoires reflets de la misère du township, de sa violence et ses joies: casiers à bière, balais, parapluies.
- Survie et débrouille -
Le pantsula emprunte aux danses bantoues, en particulier tswanas, des tapements de pieds et des mouvements de jambes. Il recourt aussi au mime et à la parodie pour raconter une histoire tout en dansant, dans la plus pure tradition africaine.
Il a donné naissance à un croisement avec le hip hop, le sbuhjwa (prononcer is-bourgeois), un rien plus vulgaire et provocateur. Les trois danses étaient rassemblées dans le même spectacle. A quelques exceptions près, le public s'est régalé.
Soweto Junxion avait sorti les baskets vernies rouges assorties à un petit bob mou, également rouge, caricature d'un casque colonial, porté sur une salopette évoquant la Chicago ouvrière des années 1930. Exhibition "sans titre" mais impeccable.
Très enlevé aussi, le spectacle de Perfect Storm Pantsula, transportait l'assistance au coeur de l'animation du township à l'heure de pointe des départs au travail.
Le coup d'oeil à la montre, le pied nerveux symbole de l'attente du taxi collectif, la tentative d'agression: en quelques chaises et une estrade, Tebogo Chauke, le chorégraphe, résumait tout en dix minutes dansées.
Le plus souvent, le pantsula se danse sur fond de house music.
Mais il puise ses racines dans l'âge d'or de la culture urbaine noire sud-africaine, incarnée par le Sophiatown des années 1950, un quartier central de Johannesburg, rasé par le régime raciste d'apartheid pour faire la place aux Blancs.
Le dress-code est inspiré des couvertures de musiciens de jazz américains.
Le pantsula ne véhicule "pas de message politique même si au début, c'était forcément politique puisque tout était interdit dans les townships", raconte Daniela Goeller, chercheuse associée à la Sorbonne et en thèse à l'université de Johannesburg où elle prépare une exposition et un beau livre avec photos.
"Sous l'apartheid, quand le pantsula était souvent associé à l'image des gangsters, ils mimaient des scènes d'arrestation ou de harcèlement par la police", dit-elle.
De nos jours, tous les mouvements continuent d'évoquer la vie quotidienne, le geste des joueurs de dés à moitié accroupis, les codes de la main pour héler un taxi.
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