Le délit de faciès pratiqué par une police raciste et les flots d'amendes comme source de revenus pour la ville, étaient "routiniers" à Ferguson (Missouri, centre), théâtre d'émeutes après la mort d'un jeune Noir, a accusé mercredi le ministre de la Justice Eric Holder.
Le ministre a dénoncé des "violations constitutionnelles qui étaient devenues une routine" pour les autorités de la ville, en présentant devant la presse deux rapports de son ministère, l'un sur la mort de Michael Brown, 18 ans, non armé, tué le 9 août 2014 par un policier, l'autre sur les pratiques policières de la ville.
Cette enquête était très attendue, les événements survenus à Ferguson, ajoutés à d'autres bavures policières, ayant attisé pendant des mois la colère de la communauté noire et des militants des droits civiques.
Le premier rapport conclut que la mort de Michael Brown, "bien qu'elle soit une tragédie, ne montre pas, au-delà d'un doute raisonnable, de comportement susceptible de poursuite judiciaire" du policier Darren Wilson, au titre d'une éventuelle violation des droits civiques, indique le ministre. Un grand jury local avait également décidé de ne pas le poursuivre.
Le second, accablant, énumère des pratiques policières parfois illégales ciblant surtout les Noirs de la ville dont "la seule explication en sont les préjugés racistes", dit le ministre, lui-même noir.
Ce rapport de 105 pages note que Ferguson compte une population à 67% noire. Pourtant, de 2012 à 2014, 85% des voitures arrêtées par la police étaient conduites par des Noirs, 90% des personnes recevant des amendes; 93% des personnes arrêtées; 95% des accusés d'infractions piétonnières et 94% des accusés de refus d'obéir, étaient noirs.
Les Noirs étaient deux fois plus fouillés que les Blancs lors des contrôles de véhicule et les chiens policiers n'étaient utilisés que contre les Noirs.
- Un climat 'malsain'-
Le rapport pointe également un système, violant parfois la légalité, où la police "sous pression de la municipalité, n'était plus un service public mais un outil pour gagner de l'argent".
Des déluges d'amendes étaient distribuées, la plupart du temps aux Noirs, pour des infractions mineures qui, faute d'être payées, pouvaient conduire à des dettes grandissantes, à la prison, à la perte d'un emploi ou d'un logement.
"Trois ou quatre infractions" relevées lors d'une arrestation en voiture était "de la routine" et des policiers faisaient même des concours pour qui en trouverait le plus, dit le ministre. Les policiers pouvaient eux-mêmes être punis s'ils ne remplissaient pas leurs quotas.
Des courriels à contenu raciste échangés entre policiers se moquaient des Noirs, et notamment en 2008 du président Barack Obama qui, selon un exemple donné, ne serait pas longtemps président car "quel Noir a un bon boulot pendant quatre ans ?".
L'enquête s'est appuyée sur des centaines d'entretiens et a passé en revue quelque 35.000 pages de rapports policiers et autres documents.
Ce climat "malsain" a conduit à l'instauration d'une "communauté profondément divisée, où la méfiance et l'hostilité caractérisaient souvent la rencontre de la police et des habitants", dit-il.
M. Holder a appelé les autorités de Ferguson à prendre rapidement des mesures, tout en soulignant que ces questions d'équité et de confiance en la police, étaient d'ordre national.
En fin de journée, le maire blanc de la ville, James Knowles, a brièvement annoncé qu'un policier auteur de courriels racistes avait été licencié. "Ce type de comportement ne sera pas toléré", a-t-il dit, précisant que deux autres policiers avaient été placés en congé en attente du résultat d'une enquête administrative.
"Nous devons tous mieux faire, dans la ville, dans l'Etat et dans le pays, pour nous attaquer au problème des disparités raciales", a-t-il dit avant d'énumérer des mesures prises comme l'embauche de trois femmes noires, la mise en place d'une commission de contrôle ou l'arrêt de l'augmentation des amendes.
Dans un pays où le spectre du racisme vis-à-vis de la population noire est toujours présent, le président Barack Obama, premier président noir des Etats-Unis, avait déjà reconnu que le problème dépassait largement Ferguson, pointant "la profonde défiance entre les forces de l'ordre et les communautés de couleur".
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