Manuel Valls a défendu mardi à Strasbourg sa vision de l'islam de France, affranchi des financements étrangers avec des imams "français", et d'une laïcité d'"apaisement", "seule réponse" à un islamisme radical et à une extrême droite "qui se nourrissent" l'un l'autre.
Dans la vaste salle de prières de la grande mosquée de la capitale alsacienne, qu'il avait inaugurée en 2012 lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, puis à l'université en pointe dans les diplômes consacrés à la laïcité et l'islamologie, le Premier ministre a détaillé l'esprit de la grande concertation qu'a lancé son gouvernement la semaine dernière autour de l'islam en France.
Il veut s'attaquer au "défi" de "tout ce qui retarde un islam de France", notamment en matière de formation des imams mais aussi en faisant reculer le "réflexe" qui consiste à solliciter des pays étrangers pour le financement des mosquées.
Prolongeant des propos tenus au Sénat mi-février, Manuel Valls, accompagné de son ministre de l'Intérieur et des Cultes, Bernard Cazeneuve et de sa ministre de l?Éducation, Najat Vallaud-Belkacem, a dit vouloir "traiter la question des financements" de la construction de mosquées en France, sans toutefois détailler de nouveau dispositif concret.
"Nous souhaitons que des solutions existent en France lorsque des responsables cultuels cherchent un soutien et des moyens pour construire un lieu de culte ou un centre culturel. Je souhaite que ce réflexe consistant à demander le soutien d?États étrangers se perde", a-t-il dit, assurant qu'il y avait en France "toutes les ressources nécessaires" au "développement de l'islam".
Quant aux imams, des formations sont "indispensables" voire "obligatoires", selon lui, en matière de laïcité et de droit.
En France, six instituts ou universités, dont celle de Strasbourg depuis 2011, forment actuellement des étudiants et des personnels religieux, notamment des imams, aux questions liées à la place des religions dans l?État laïc. Le gouvernement a annoncé la semaine dernière son intention de doubler le nombre d'établissements d'ici à la fin de l'année.
- 'Il faut des aumôniers et des imams français' -
"Il faut des aumôniers et des imams français, francophones, qui apprennent le français, qui aiment la France. Et qui adhèrent à ses valeurs", a défendu Manuel Valls, alors que la plupart des prêtres musulmans sont encore formés à l'étranger (Maroc, Égypte, Arabie Saoudite)
Mais "il faut être très clair: l?État ne s'occupera pas de théologie. Il n'y aura pas de loi, il n'y aura pas de décret, pas de circulaire pour dire ce que doit être l'islam. Il n'y aura pas de tutelle, pas de privilège particulier. Jamais l?État ne prendra le contrôle d'une religion, d'un culte", a assuré le Premier ministre.
"La laïcité, c'est le droit pour chacun de croire ou de ne pas croire. C'est le droit de pratiquer sa religion librement, sans être inquiété. Et c'est le devoir, aussi, de ne pas imposer ses croyances à autrui. La laïcité, c'est donc l'apaisement", a-t-il dit.
Alors que le responsable du conseil régional alsacien du Conseil français du culte musulman (CFCM), Eyup Sahin, évoquait les "vents mauvais" qui soufflaient autour des Français musulmans après les attentats jihadistes de janvier, Manuel Valls s'est employé à rassurer.
"C'est un fait, beaucoup de Français musulmans, et de musulmans de France, se sentent aujourd'hui montrés du doigt. Ils sont victimes d'amalgames avec ceux qui abîment le message de l'islam, l'utilisent pour en faire une doctrine de haine, de rejet, de repli", a-t-il dit.
L'extrémisme islamiste et l'extrême droite "se nourrissent l'un et l'autre", représentant un "danger majeur", a jugé M. Valls, qui a fait du FN le principal adversaire de ses meetings de campagne pour les élections départementales.
"La seule réponse, la seule, à ces deux dangers qui se nourrissent l'un de l'autre (), c'est la République. La seule réponse, c'est la laïcité, c'est l'éducation, c'est l'université, c'est le savoir, c'est l'intelligence, c'est la capacité de vivre ensemble", a-t-il plaidé.
Quant à l'instance de dialogue mise en place par le gouvernement, "elle n'a pas vocation à se substituer au CFCM", a affirmé Bernard Cazeneuve, alors que l'organisation fait l'objet de critiques sur sa représentativité des quelques 5 millions de musulmans en France.
Manuel Valls souhaite que cette instance accueille également "les forces vives" pour l'islam de France (journalistes, universitaires, écrivains, intellectuels, cadres d'entreprise).
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