Dans un coin de la place Lénine, à Debaltseve, ville de l'est de l'Ukraine récemment reprise par les séparatistes prorusses, la mairie a placardé ses annonces sur des feuilles A4. Il y a un décret interdisant la consommation d'alcool sous peine d'être condamné à 15 jours de travaux d'intérêt général. Et un appel aux volontaires.
"Citoyens, rejoignez les volontaires qui sont venus ici pour reconstruire la ville", est-il écrit.
Dévastée par des mois de bombardements, Debaltseve tente de se reconstruire, et ses habitants de survivre sans eau ni électricité, dix jours après le retrait des troupes ukrainiennes.
Revêtu d'un treillis militaire, comme tous les rebelles de la ville, Sergueï, 14 ans a répondu à l'appel des volontaires. Il balaie les gravats dans un coin de la place. "On aide à remettre un peu d'ordre, de toute façon mon école est détruite", dit-il. En récompense de son travail, il obtiendra des conserves de viande, des sardines et quelques biscuits.
Non loin de lui, sous un sapin de la place Lénine, des personnes âgées font la queue dans une boue noire et collante pour une tasse de thé chaud. Des pâtes cuisent dans une marmite au-dessus d'un petit feu. Des habitants s'agglutinent autour d'une prise multiple reliée à un camion militaire pour charger leurs téléphones portables.
"C'est loin de chez moi mais c'est le seul endroit où on peut recharger" les téléphones, explique Oleg Zaïtsev, un chauffeur de 53 ans. "Grâce à ces prises, j'ai pu appeler ma famille il y a trois jours. Ils n'avaient pas eu de mes nouvelles depuis un mois, ils étaient très contents de me savoir en vie", dit-il alors qu'une fine neige tombe sur la ville.
La famille d'Oleg vit en Russie, à Moscou et à Saint-Pétersbourg (nord-ouest). Il dit, évoquant les forces ukrainiennes: "Les nazis m'ont volé mon bus alors je ne peux plus travailler".
- 'Contre qui je fais la guerre, moi?' -
A ses côtés, Vladimir Markachouti tente de se réchauffer avec la tasse de thé qu'on vient de lui servir. "On a détruit ma maison, je suis SDF", dit-il en accusant les forces de Kiev d'avoir tiré à l'artillerie sur la ville au moment de battre retraite.
"Personne ne veut de la guerre, ni de ce côté, ni de l'autre", dit-il. "Mon père est russe, ma mère est ukrainienne, contre qui je fais la guerre, moi ?", demande Vladimir comme pour souligner l'inanité de ce conflit.
Lidia Bikanova, 77 ans, repart de la distribution de pâtes avec une portion pour elle et un bocal pour ses voisins. "Leur maison est détruite et ils ne peuvent pas se déplacer", dit-elle avant de fondre en larmes. "Merci, merci pour votre aide", répète-t-elle en essuyant ses larmes. "C'est dur mais on a du courage, merci, merci".
Comme chaque jour, le commandant de la région de Enakieve, Alexandre Afendikov, nommé "maire" par intérim de Debaltseve par les séparatistes, vient donner ses ordres au milieu des volontaires et des fonctionnaires du ministère des Situations d'urgence.
"Aujourd'hui on rouvre un foyer pour les mères de famille en difficulté. Nous sommes en train de réparer les fenêtres de l'hôpital. Nous avons enlevé toutes les mines. Nous distribuons 600 pains par jour. Et l'électricité va revenir dans le quartier central mercredi", liste-t-il.
"Près de 95% des habitants de Debaltseve travaillent pour les chemins de fer. Comme ils ne fonctionnent pas en ce moment, on leur demande de nous aider à reconstruire", dit celui que tout le monde appelle "le Grec", en raison de ses origines.
Un homme passe avec dans les mains le pain rond qu'on lui a donné à la distribution organisée dans un supermarché abandonné. "On met de l'ordre dans la ville, on répare les maisons et les magasins rouvrent", dit-il, sans donner son nom.
"Porochenko (le président ukrainien) a dit que Debaltseve avait été effacé de la carte mais ce n'est pas vrai. C'est un ivrogne. Ici tous les habitants sont sortis dans la rue et ils travaillent", lance-t-il.
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