Un oratoire du XVe siècle, une musique contemplative et des mannequins à talons plats qui sourient et prennent leur temps: la présentation de la styliste Daniela Gregis est à mille lieux de la frénésie caractéristique des défilés milanais.
Alors que juste au même moment, à l'autre bout de la ville, des centaines de hipsters passionnés jouent des coudes pour accéder aux "beautés génétiquement modifiées" des poids lourds de la mode milanaise, Daniela Gregis dévoile un univers nettement plus cérébral et naturel.
Elle a convié ses invités dans un sompteux bâtiment annexe de la basilique Saint-Ambroise, l'Oratoire de la Passion. Dans cette bulle de tranquillité, sous des fresques médiévales ou dans le jardinet du déambulatoire à l'extérieur, les visiteurs ont tout le temps de détailler la collection, baptisée "l'une et l'autre": des vêtements longs, amples, soyeux, aux tons d'anthracite mêlé de rose, rouge et orange.
Contrairement à la plupart des autres podiums milanais, où les mannequins se succèdent généralement à un rythme fiévreux sur fond de musique survoltée, bouclant la performance en une dizaine de minutes, la styliste a pris son temps (presque une heure) et fait à sa manière.
Ses modèles -une dizaine de jeunes filles mais aussi une septuagénaire et un homme- sont apparus l'air détaché, un sourire léger et énigmatique aux lèvres.
- Des voiles aux vêtements -
Jeune quinquagénaire, Daniela Gregis est loin d'être une figure nouvelle dans ce circuit où elle évolue depuis 1997.
Contrairement à beaucoup de ses confrères, elle n'envoie pas d'invitations tous azimuts, préférant un public relativement peu nombreux mais, semble-t-il, averti.
L'un est ainsi venu avec une paire de (vraies) cornes de chèvres décorées de fleurs artificielles sur la tête et un gros manteau de fourrure, tandis que son voisin arborait un énorme manteau de fausse fourrure fluo.
Atypique dans son milieu, la styliste qui travaille avec sa fille vend ses vêtements jusqu'au Japon, où ils sont commercialisés dans les magasins de la marque nippone Comme des garçons, mais reste d'une grande discrétion sur sa vie. A peine apprend-on qu'elle a jadis dessiné des voiles pour des bateaux et que son mari est skipper.
"Notre collection est la continuation de notre travail, qui est dirigé vers l'art manuel, l'artisanat", explique-t-elle à l'AFP. Tissus naturels et dessins conçus dans le "laboratoire" qu'elle anime dans le centre historique de Bergame (nord) en sont la clé.
Pourquoi bannit-elle les talons hauts, si chers aux canons officiels de féminité de la mode traditionnelle ? "Le corps est l'expression de nous-mêmes et il faut préserver ce qu'on nous a donné", explique-t-elle.
Et le choix de faire appel à la belle et septuagénaire Benedetta pour présenter ses vêtements n'a rien pour elle d'une transgression des canons de la jeunesse éternelle régnant dans le milieu.
"Avoir le privilège d'un passé plus long que les autres, apporte une richesse infinie. Pour moi, Benedetta est magnifique", explique la styliste en souriant. "Je pense que le vêtement, l'essence de notre travail, est ce qu'une personne est dedans et pas une marque. C'est l'expression de chaque personne qui porte le vêtement".
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