Reprendre contact avec Bachar al-Assad pour contrer l'Etat islamique? Cette question fait débat dans les pays occidentaux alors que le conflit en Syrie va entrer en mars dans sa cinquième année, sur fond de menaces jihadistes et d'échec des tentatives de résolution.
Pour la première fois depuis le début du conflit le 15 mars 2011 - 220.000 morts et plus de trois millions de réfugiés -, le médiateur de l'ONU a affirmé qu'il fallait inclure le président syrien dans le processus de paix.
"Assad fait partie de la solution" et "je continuerai à avoir des discussions importantes avec lui", a déclaré mi-février Staffan de Mistura.
Cette déclaration a provoqué la colère de l'opposition syrienne, qui refuse de penser que la mise à l'écart du président syrien profiterait au groupe Etat islamique.
Mais les propos du médiateur de l'ONU ont ouvert une brèche chez les Occidentaux, dont la stratégie se limitant à appeler au départ d'Assad est restée vaine depuis quatre ans.
Cette semaine, trois parlementaires français ont rencontré Bachar al-Assad à Damas, malgré la rupture des relations diplomatiques depuis 2012 entre plusieurs pays européens - dont la France - et la Syrie.
Même s'il a "du sang sur les mains", le président "est une partie qui va intervenir dans le règlement politique de la guerre civile", a plaidé l'un d'eux, Jacques Myard (droite, opposition). Bachar al-Assad ne veut "plus rester isolé face à la menace terroriste", a ajouté un autre parlementaire du voyage, le sénateur centriste François Zocchetto.
Ce voyage a été dénoncé par le président socialiste François Hollande et tourné en dérision par le chef de l'opposition et ex-président Nicolas Sarkozy.
La France officielle préfère participer à la coalition internationale, dirigée par les États-Unis, qui mène depuis août des attaques aériennes régulières et ciblées contre l'EI en Irak et en Syrie. Mais ses résultats restent aujourd'hui mitigés.
Officiellement, pas de changement de ligne donc, à Washington, Paris, Londres ou Berlin. "Comme nous ne cessons de le dire, Bachar el-Assad a perdu toute légitimité depuis longtemps et ne sera jamais un partenaire dans la lutte contre le terrorisme", a martelé jeudi le département d'Etat.
Le président syrien "ne peut pas être l'avenir de la Syrie", réaffirment aussi dans une tribune diffusée vendredi dans les quotidiens français Le Monde et arabophone al-Hayat les chefs de la diplomatie française et britannique.
- Contre "l'auto-réhabilitation" d'Assad-
"Bachar représente à la fois l'injustice, le désordre et la terreur. Et nous, France et Royaume-Uni, nous disons non aux trois", écrivent Laurent Fabius et Philip Hammond, pour qui le président syrien a lancé une "démarche d'auto-réhabilitation" afin de "profiter de l'effroi suscité par les extrémistes pour se présenter en rempart contre le chaos".
Pour certains experts, des signes d'infléchissement sont cependant perceptibles en Occident. "Si l'on lit entre les lignes, on note que l'affirmation +Assad doit partir+ a été diluée dans +peut-être qu'il ne doit pas partir immédiatement+", relève ainsi Shashank Joshi, chercheur du groupe de réflexion britannique Royal United Services Institute.
En Grande-Bretagne, l'ex-ministre des Affaires étrangères Malcolm Rifkind et l'ex-chef de l'armée Richard Dannatt ont réclamé une autre politique.
Dans ces pays occidentaux, le lobbying pour un changement de politique peut aussi venir des services secrets pour qui une lutte contre l'islam radical ne peut passer que par une collaboration étroite avec leurs homologues syriens et irakiens.
D'autres pays européens comme l'Autriche, les Pays-Bas, la Roumanie, maintiennent des liens a minima avec Damas.
L'Eglise catholique, pour qui l'EI est aussi l'adversaire absolu, a ajouté cette semaine sa voix aux demandes d'une autre politique, choquée par l'enlèvement en Syrie par l'EI de quelque 220 chrétiens assyriens. Evêques et fidèles syriens, protégés par Damas, ont toujours été traditionnellement pro-régime syrien.
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