A Pouilly-en-Auxois (Côte-d'Or), une ancienne caserne de gendarmerie vient d'être transformée en centre d'accueil pour migrants afin de désengorger Calais. Une mesure qui divise dans le village, où les demandeurs d'asile cherchent à "renvoyer une belle image".
"Les gens ne parlent que de ça", souffle un homme en fumant une cigarette devant un restaurant. "Ca", c'est l'arrivée de soixante Soudanais, Tchadiens, ou Erythréens, dans l'attente d'une décision de l'administration.
Pour Gaëlle, assistante de direction de 35 ans, ils peuvent "amener un petit peu de vie, faire marcher mieux les commerces" de cette commune de 1.600 habitants. "Faut pas crier au loup avant qu'il ait mordu", tempère la jeune femme.
Car plus loin, une dame âgée, Nadine, peste: "Avant de penser aux immigrés, bon, je suis pas raciste, mais avant de penser à eux, il y a des Français qui sont dans la rue, qui sont sans logement, sans rien, on fait rien pour eux".
Dans son bureau, le maire, Bernard Milloir (SE), classe le dernier courrier anonyme, "nauséabond", reçu le matin-même. Il a récemment porté plainte après un "mail d'insultes".
"Il y a eu des réactions assez vives de certains au début, c'était pas la majorité, car d'autres sont prêts à s'investir", proposant nourriture, vêtements ou cours de français aux migrants, relate l'élu. Touché par l'image de l'un d'eux, "arrivé par -6°C en polo, sans valise, complètement démuni".
L'ouverture de ce centre, géré par Adoma, est "une décision imposée par l'Etat", souligne M. Milloir, qui garde "l'espoir que ça se passe bien et que l'inquiétude soit levée".
A Calais, environ 2.300 migrants, originaires principalement d'Afrique de l'Est, cherchent à gagner l'"Eldorado" en Grande-Bretagne, en montant clandestinement dans des poids-lourds. "Depuis septembre, plus de 400 sont entrés dans le dispositif de demande d'asile, et 45% d'entre eux ont bénéficié d'une protection internationale", selon la Direction générale des étrangers en France.
Pour soulager le Calaisis, une vingtaine de départements ont fait des propositions pour créer des places d'accueil temporaire. "La Côte-d'Or est le projet qui a abouti le plus rapidement."
- 'Retour à l'humanité' -
Un peu à l'écart du village, dans un immeuble de quatre étages, des bureaux ont été aménagés à la hâte pour le personnel d'Adoma et, dans les étages, chaque appartement, meublé encore sommairement, accueille quatre à cinq migrants.
"Ils sont arrivés très fatigués, avec des vêtements assez sales parce qu'ils avaient rodé dans la forêt, dans les tentes avec les feux de camp", raconte la directrice, Agnès Radnic.
"Dès le lendemain, après une nuit de repos et une bonne douche, leur visage était déjà complètement changé parce qu'ils avaient pu se reposer au chaud et rien que ça, c'est déjà un pas énorme vers le retour à l'humanité".
Le personnel peaufine leur demande d'asile car avec 20% de réponses favorables, "ils ont une chance, pas deux", insiste Mme Radnic.
Yemor Tekel, un Erythréen de 28 ans, a suivi un long périple, traversant le Soudan, la Libye, l'Italie, puis la France jusqu'à Calais. Contrairement à ses camarades d'infortune, lui n'était "pas chaud" pour rejoindre l'Angleterre et a choisi la France, dont il rêvait enfant à travers les exploits du footballeur Thierry Henry.
Le jeune homme juge "important" de "créer une relation" avec les habitants de Pouilly-en-Auxois, une fois passé l'obstacle de la langue.
En arrivant dans cette commune rurale, les demandeurs d'asile partageaient une certaine appréhension car dans la "jungle" de Calais, le bruit courait qu'ici "on n'aimait pas les Noirs".
Abdelhazim, un Soudanais de 30 ans, des écouteurs en permanence sur les oreilles, dit avoir finalement rencontré des gens "très bons, qui nous ont très bien reçus". "Cette ville est petite mais à nos yeux, elle est grande", poursuit-il, ayant à coeur de "renvoyer une belle image" à la population locale.
Lui rêve de devenir "Européen". "Un homme cultivé, en bonne santé, en sécurité."
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