Les victimes juives de l'Hyper Cacher et de Copenhague seront dans tous les esprits, comme la flambée générale des actes antisémites: le Crif organise lundi dans un contexte de forte inquiétude son 30e dîner annuel, un événement très couru, critiqué aussi.
Le Crif y remettra trois prix, dont un au Malien Lassana Bathily naturalisé après avoir aidé des juifs à se cacher lors de la prise d'otages du supermarché casher à Paris, a annoncé son président Roger Cukierman.
Trois prix seront remis, au lieu d'un seul habituellement, dont l'un récompensera "le jeune Malien devenu Français qui a été héroïque pendant la prise d'otage à la porte de Vincennes et qui montre encore une fois que, tous unis, on peut combattre le terrorisme", a annoncé Roger Cukierman lundi sur Europe 1.
Sept cents invités sont attendus dans un hôtel parisien, parmi lesquels François Hollande et Manuel Valls, une douzaine de leurs ministres, un ex-président de la République, deux anciens chefs de gouvernement et de nombreux représentants des cultes, a-t-on indiqué au Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif).
Le dîner de l'organe de représentation politique de la première communauté juive d'Europe (un demi-million de membres) était déjà en pleine lumière depuis des années. Mais il prend une tonalité particulière un mois et demi après les attentats qui ont fait 17 morts, dont quatre au supermarché casher de l'Est parisien.
Il y a une semaine, l'assassinat devant une synagogue de Copenhague a confirmé que les Juifs européens étaient une cible majeure du jihadisme. Un sentiment d'insécurité s'installe chez les juifs français alors que le nombre d'actes antisémites a doublé l'an dernier par rapport à 2013, sous l'effet notamment d'un "nouvel antisémitisme" dans les quartiers populaires, avec des violences progressant davantage que les injures.
Le climat de peur est un moteur indéniable de la hausse de l'émigration des Juifs vers Israël: elle a plus que triplé entre 2012 et 2014 depuis la France, devenue l'an dernier pour la première fois le premier pays source de cette "aliyah", avec 6.658 migrants.
Ce sujet sensible a provoqué des frictions entre Paris et Tel Aviv. En campagne électorale, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a multiplié les appels aux Juifs d'Europe à rejoindre Israël, l'exécutif français répliquant que "la France, sans les Juifs, ne serait plus la France".
L'aliyah pourrait bien être au menu des discours lundi soir. Celui du président du Crif, Roger Cukierman, "traduira les inquiétudes que suscitent les événements récents, mais aussi l'espoir qui est né du sursaut du 11 janvier", a-t-il confié à l'AFP. En formant le voeu "que la vague d'antisémitisme ne se prolonge pas".
- Repas 'républicain' ou 'communautariste'? -
Le Crif s'est félicité d'entendre le gouvernement élever la lutte contre le racisme et l'antisémitisme au rang de "cause nationale" et de le voir renforcer sensiblement la protection des lieux communautaires. Mais il espère que d'autres mesures "énergiques" seront prises dans les domaines de la justice, de l'éducation où "il faut rattraper 30 ans de retard", selon Roger Cukierman, et en vue d'un "meilleur contrôle d'internet".
Pour beaucoup de politiques, le dîner du Crif s'est imposé comme une date incontournable. "L'image consensuelle de l'événement est à nuancer", tempère le sociologue Samuel Ghiles-Meilhac: "Y vont essentiellement des représentants des partis de gouvernement".
Nicolas Sarkozy en sera, "cela va de soi", a dit le président de l'UMP. Mais pas Marine Le Pen (FN) ni Jean-Luc Mélenchon (PG), l'un et l'autre dénonçant régulièrement une réunion "communautariste" qui suscite par ailleurs beaucoup de commentaires, d'ironie voire de haine sur les réseaux sociaux.
"Je suis gêné par l'attitude des pouvoirs publics, qui n'expliquent pas clairement pourquoi ils se rendent à ce dîner. Cet événement a une dimension compliquée à concilier avec les discours de janvier sur le pays uni, qui rejette tous les communautarismes", estime Samuel Ghiles-Meilhac.
Fier au contraire de ce "dîner républicain" au cours duquel "on se dit les choses", Roger Cukierman assure ne pas craindre les critiques. "On peut appeler les Juifs à plus de discrétion et de modestie. Mais il est difficile de nous faire taire quand on tue nos enfants", plaide-t-il.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.