Le gouvernement grec planche sur la liste des réformes qu'il doit présenter d'ici lundi soir à la zone euro pour décrocher le feu vert à l'extension de quatre mois du financement de son économie, décidée par Bruxelles au terme d'âpres négociations.
Au bout de trois rounds de laborieuses négociations à Bruxelles, la Grèce a vu reculer le spectre d'une sortie de l'euro, et espère avoir assuré sa survie budgétaire en décrochant quatre mois de financement supplémentaire, jusqu'à fin juin, mais assorti de conditions extrêmement strictes.
Dans une allocution télévisée samedi, le Premier ministre Tsipras a estimé avoir "gagné une bataille", balançant entre l'apologie d'un accord qui "laisse derrière (lui) austérité, mémorandum, troïka" et la lucidité sur la "route longue et difficile" qui attend le pays.
Le bilan se mesurera à l'aune des réformes que l'exécutif grec doit présenter d'ici lundi soir à ses créanciers, désormais désignés sous le terme d'"institutions" (UE, BCE et FMI) - le mot "troïka" étant banni- et sur la base desquelles l'accord sera entériné ou non, lors d'un conférence téléphonique de l'Eurogroupe mardi.
"Je suis absolument certain que la liste des réformes sera approuvée", a déclaré samedi soir le ministre des Finances Yanis Varoufakis à l'issue du conseil des ministres consacré à la dernière réunion de l'Eurogroupe.
Selon lui, le gouvernement devrait être dispensé d'inclure certaines mesures jusqu'alors exigées: hausse de TVA, nouvelles coupes dans les retraites ou poursuite de la dérégulation du marché du travail. Cela permet à Athènes de se présenter désormais en "coauteur des réformes et de sa destinée", plutôt qu'en élève soumis, selon M. Varoufakis.
Certains Grecs relativisent, comme Alexandros Milonas, fonctionnaire : le pays "n'avait pas une grande marge de manoeuvre", mais l'accord "va dans le bon sens", a-t-il dit à l'AFP.
- Le côut des réformes -
Mais rien ne garantit que M. Tsipras décrochera le feu vert de la zone euro sur la mise en oeuvre de la partie la plus débattue de son programme: hausse du salaire minimum - que le gouvernement avait fixée pour 2016 - , hausse des petites retraites, protection des saisies immobilières ou arrêt des privatisations.
Toutes ces mesures ont un coût. Or, dans l'accord trouvé, la Grèce s'engage à ne pas légiférer avec un "impact négatif sur les objectifs budgétaires, la reprise économique et la stabilité financière".
D'autant que ce compromis exclut que le gouvernement puisse utiliser les quelque onze milliards d'euros restant dans le fonds de stabilité des banques grecques pour autre chose que la sauvegarde du système financier. Sachant que la zone euro ne déboursera pas l'argent restant dans le programme d'aide (7,2 milliards d'euros, dont 3,6 venant de l'UE) avant une seconde évaluation des réformes, en avril.
Toutefois l'UE a autorisé Athènes à dégager un excédent budgétaire primaire (hors service de la dette) plus faible qu'iniatiallement souhaité.
Toute réforme "qui n'a pas d'impact budgétaire sévère pourra être mise en oeuvre", a dit samedi le ministre de l'Economie Giorgos Stathakis. Selon lui, certaines mesures de lutte contre la pauvreté promises peuvent aussi rapporter à l'Etat (via les rééchelonnements d'impayés d'impôts), ou être compensées par les recettes attendues de la lutte contre l'évasion fiscale, la corruption, et la réorganisation de l'administration.
Le compromis trouvé à Bruxelles "donne du temps" pour négocier un nouvel accord avec les créanciers avant fin juin, a estimé M. Tsipras. Pour la presse grecque, il s'agit de l'un des acquis du bras de fer engagé par Syriza avec la zone euro.
Selon Matthieu Pigasse, dirigeant de la banque Lazard qui conseille le gouvernement grec sur la restructuration de la dette, il faut "laisser du temps et de l'oxygène" au pays.
Interprétation radicalement différente pour la presse allemande conservatrice selon laquelle "la Grèce peut enterrer ses rêves politiques" (Die Welt) tandis que quotidien populaire Bild se réjouissait d'un "succès pour Schäuble", le ministre allemand des Finances, face à une Grèce qui "plie".
"Les Grecs n'ont plus rien à obtenir. Je suis sûr qu'ils seront toujours obligés de céder", prédisait Daniel Gros, directeur du Centre pour les études politiques européennes, dans la presse italienne.
Un retour à la réalité inévitable selon le président du parlement européen Martin Schulz : "vous ne devez pas promettre à vos électeurs que vous changerez tout dès le lendemain. C'est un rêve, pas la réalité".
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