Sur la ligne de front, dans la nuit et le froid de la campagne du Donbass, les deux camps se retrouvent à pied au milieu d'une route défoncée par les tirs d'artillerie. En file indienne, 139 soldats ukrainiens et 52 combattants rebelles peuvent commencer à passer d'un camp à l'autre.
Pour les prisonniers ukrainiens, le processus d'échange a commencé au coucher du soleil quand ils sont arrivés à bord d'autobus civils dans le hameau de Frounze. Ceux qui ont été amenés de Donetsk sont en civil. Ceux qui viennent de Lougansk, en treillis.
Sous l'escorte vigilante des rebelles en armes et cagoulés du bataillon Vostok, commence alors une marche dans la nuit, sans véhicules, et sans autre lumière que les projecteurs de quelques caméras. Il fait zéro degrés et la lune n'est qu'un mince croissant.
La route en partie enneigée porte la trace de combats récents. Il y a des petits cratères, des morceaux de tôle, des branches déchiquetées par l'artillerie. Régulièrement, les rebelles hurlent: "Restez sur la route, il peut y avoir des mines". Sinon le silence est complet, pas de tirs dans la région.
Les prisonniers ont les traits tirés. Certains ont été fait prisonniers à Debaltseve, où l'armée ukrainienne a été mise en déroute il y a quelques jours. L'un, blessé à la jambe, a beaucoup de mal à marcher avec ses béquilles en bois. Les rebelles demandent à ses collègues de le porter.
Puis, au bout d'une petite heure de marche, des hommes en armes apparaissent en face: à pied aussi, sans lumières, ce sont les forces ukrainiennes et leurs prisonniers rebelles.
- "Il y a un problème" -
La représentante des rebelles, Daria Morozova, et l'homme politique ukrainien qui représente Kiev, Viktor Medvetchouk, se retrouvent entourés d'hommes en armes, le doigt sur la gâchette.
"Nous avons un problème", dit Daria Morozova. "Un prisonnier ukrainien n'a pas voulu nous suivre jusqu'au bout". Il dit qu'il vient d'une région contrôlée par les rebelles et "qu'il ne se battait pas" quand on l'a pris.
Pas grave, l'échange commence. Un petit groupe de prisonniers ukrainiens passe de l'autre côté. Puis un petit groupe de rebelles fait de même, et ainsi de suite. Tout se passe dans le calme.
Côté rebelle, les hommes en armes accueillent leur compères d'un "Bon retour". Côté ukrainien, une femme fait l'appel des noms de famille. Les hommes répondent "Ia" ("Moi") un par un. Daria Morozova exhibe devant les caméras les sacs marron remplis des papiers d'identité qu'elle va remettre à l'ennemi.
Avant de se quitter, les négociateurs des deux camps se saluent en se faisant la bise. "Merci pour tout, ça a été un plaisir de travailler avec toi", dit Viktor Medvetchouk à son homologue prorusse.
- 'Maman, je rentre à la maison' -
Mains dans les poches de son blouson noir, Roman Boïarinov, un rebelle âgé de 24 ans, retrouve la liberté après trois mois de détention. "La liberté ! Quel cadeau pour le 23 février", dit-il tout sourire à propos de la "fête de l'armée soviétique" qui sera célébrée dans deux jours.
Le jeune homme demande un téléphone pour parler à sa mère. On lui tend un portable. "On vient d'être échangés. Je rentre à la maison", dit-il à sa maman, qui est en larmes. "Ne dis rien à Vika, j'arrive". Ce sera une surprise pour sa fiancée, avec qui il doit se marier dans deux semaines.
Après avoir raccroché, Roman raconte qu'il a été "battu" pendant sa détention. "On avait les pieds et les poings attachés. Ils nous ont menacés de nous couper les doigts. La première semaine, j'ai été tellement battu que je n'ai rien pu manger", assure-t-il.
Maintenant, l'homme va se marier. "Et puis après, je vais reprendre les armes", dit-il, "pour défendre nos mères et nos femmes". "Il faut défendre cette terre", clame-t-il. "On va gagner. Je ne sais pas comment, mais on va gagner".
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