Alexis Tsipras a peu de temps pour savourer un accord avec la zone euro qu'il revendique comme une victoire: conscient des "difficultés" qui l'attendent, il doit présenter sous 48 heures un catalogue de réformes destinées à entériner le compromis et sauver quelques promesses électorales.
Au bout de trois rounds de laborieuses négociations à Bruxelles, la Grèce a vu reculer le spectre d'une sortie de l'euro, et en tout cas espère avoir assuré sa survie budgétaire en décrochant quatre mois de financement supplémentaire, jusqu'à fin juin, mais sous des conditions extrêmement strictes.
Dans une allocution télévisée samedi, le Premier ministre Tsipras a estimé avoir "gagné une bataille", balançant entre l'apologie d'un accord qui "laisse derrière (lui) austérité, mémorandum, troïka" et la lucidité sur la "route longue et difficile" qui attend le pays.
Le bilan se mesurera à l'aune du catalogue de réformes que l'exécutif grec doit présenter d'ici lundi soir à ses créanciers, désormais désignés sous le terme d'"institutions" (UE, BCE et FMI) - le mot "troïka" étant banni- et sur la base desquels l'accord sera entériné ou non, lors d'un Eurogroupe téléphonique mardi.
Le gouvernement grec, selon le ministre des Finances Yanis Varoufakis, devrait être dispensé d'inclure certaines mesures jusqu'alors exigées: hausse de TVA, nouvelles coupes dans les retraites ou poursuite de la dérégulation du marché du travail.
C'est ce qui permet à Athènes de se présenter désormais en "coauteur des réformes et de sa destinée", plutôt qu'en élève soumis, selon M. Varoufakis.
Dans la rue on relativise. Alexandros Milonas, fonctionnaire, estime que de toute façon le pays "n'avait pas une grande marge de manoeuvre". Mais l'accord "va dans le bon sens", dit-il à l'AFP.
- La Grèce "plie" ou "gagne du temps ?" -
Mais rien ne garantit qu'Alexis Tsipras pourra décrocher un feu vert de la zone euro sur la mise en oeuvre de la partie la plus débattue de son programme: hausse du salaire minimum - que le gouvernement avait fixée pour 2016 - , hausse des petites retraites, protection des saisies immobilières ou arrêt des privatisations.
Toutes ces mesures ont un coût. Or, dans l'accord trouvé, la Grèce s'engage à ne pas légiférer avec un "impact négatif sur les objectifs budgétaires, la reprise économique et la stabilité financière".
D'autant que ce compromis exclut que le gouvernement grec puisse utiliser les quelque onze milliards d'euros restant dans le fonds de stabilité des banques grecques pour autre chose que la sauvegarde du système financier. Et que la zone euro ne déboursera pas l'argent restant dans le programme d'aide (7,2 milliards d'euros, dont 3,6 venant de l'UE) avant une seconde évaluation des réformes, en avril.
Seul bol d'air financier: l'UE a autorisé Athènes à dégager un excédent budgétaire primaire (hors service de la dette) plus faible que ce qu'elle souhaitait initialement.
Toute réforme "qui n'a pas de sévère impact budgétaire pourra être mise en oeuvre", a dit samedi le ministre de l'Economie Giorgos Stathakis. Selon lui, certaines mesures de lutte contre la pauvreté promises peuvent aussi rapporter à l'Etat (via les rééchelonnements d'impayés d'impôts), ou être compensées par les recettes attendues de la lutte contre l'évasion fiscale, la corruption, et la réorganisation de l'administration.
Le compromis trouvé vendredi à Bruxelles "donne du temps" au pays, celui de négocier avec ses créanciers un nouvel accord avant fin juin, a estimé M. Tsipras. Pour la presse grecque, il s'agit de l'un des acquis du bras de fer engagé par Syriza avec la zone euro.
Matthieu Pigasse, dirigeant de la banque Lazard qui conseille le gouvernement grec sur la restructuration de la dette, a d'ailleurs estimé samedi qu'il fallait "laisser du temps et de l'oxygène" au pays.
Interprétation radicalement différente pour la presse allemande conservatrice selon laquelle "la Grèce peut enterrer ses rêves politiques" (Die Welt) tandis que le toujours abrupt quotidien populaire Bild se réjouissait d'un "succès pour Schäuble", le ministre allemand des Finances, face à une Grèce qui "plie".
"Les Grecs n'ont plus rien à obtenir. Je suis sûr qu'ils seront toujours obligés de céder, comme hier", prédisait Daniel Gros, directeur du Centre pour les études politiques européennes, dans la presse italienne.
Un retour à la réalité inévitable selon Martin Schulz: "vous ne devez pas promettre à vos électeurs que vous changerez tout dès le lendemain. C'est un rêve, pas la réalité" , a lancé le président du parlement européen à Madrid où le parti antilibéral Podemos nourrit les même rêves que Syriza.
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