Un mois et demi après les attentats qui ont décimé une partie de sa rédaction, Charlie Hebdo va reparaître mercredi et tenter de retrouver un semblant de normalité, malgré la perte des grandes figures du journal et les menaces ravivées par l'attaque de Copenhague.
Le numéro des survivants, un engouement monstre dans les kiosques, un vaste élan de solidarité, un pactole et un torrent d'émotion à gérer : après tout cela, l'équipe rescapée de Charlie Hebdo a dû prendre quelques jours de repos.
"Il fallait souffler, qu'on se pose et qu'on prenne un peu de repos. Il y avait ceux qui avaient besoin de retravailler tout de suite, comme moi, et ceux qui voulaient prendre plus de temps", explique à l'AFP Gérard Biard, rédacteur en chef de Charlie Hebdo.
"On a trouvé un compromis, on s'est mis d'accord sur cette date de sortie du 25 février, sachant qu'à partir de là, on repartait sur un rythme hebdomadaire", précise-t-il.
Un fois les vacances terminées, il a fallu retrouver les automatismes, se remettre à faire des papiers et des dessins. Comme avant. C'est le dessinateur Riss, blessé lors de la tuerie (12 morts), qui est devenu le nouveau patron du journal, succédant à Charb.
"Ce numéro-là, on recommence. Il y a eu les enterrements, il faut qu'on fasse avec l'absence des autres et c'est là que c'est difficile. Ca fait un petit moment qu'on s'aperçoit qu'ils ne sont pas partis en vacances", confie Patrick Pelloux dans un entretien diffusé dimanche sur France 5 dans "Médias Le Mag".
"Le journal comme n'importe quel journal doit continuer parce que la vie continue, l'actualité continue. On n'est pas là pour faire pleurer dans les chaumières, c'est un journal satirique, qui est drôle, il faut que l'on fasse rire avec la matière quotidienne", ajoute-t-il.
Cela fait trois jours que Gérard Biard essaye d'écrire une chronique. "Je n'ai toujours pas commencé parce que je dois gérer plein de choses, je dois répondre à des tas de sollicitations, ce qui est normal", dit-il à propos d'un fanzine provocateur devenu un des symboles de la liberté d'expression.
- 'Heureusement qu'on a DSK !' -
A combien le prochain numéro sera-t-il tiré ? Quelle sera la Une ? Ce sont les mêmes questions qui avaient accompagné le dernier numéro avec la caricature de Mahomet en couverture. Le prophète tenait une pancarte "Je suis Charlie" et la une était barrée du surtitre "Tout est pardonné".
Comme le veut la tradition de l'hebdomadaire satirique, la prochaine couverture sera choisie lundi, en fonction de l'actualité.
Le dernier numéro, diffusé à huit millions d'exemplaires, un record historique pour la presse française, avait suscité des manifestations parfois violentes dans plusieurs pays musulmans.
Les attaques de Copenhague, qui ont fait deux morts, et ont visé comme à Paris la communauté juive et un lieu symbolique de la liberté d'expression, ont ravivé les peurs.
Sans parler des appels aux meurtres qui se multiplient sur Twitter contre Zineb El Rhazoui, collaboratrice franco-marocaine de Charlie Hebdo et son mari, l?écrivain marocain Jaouad Benaissi.
Charlie Hebdo va-t-il encore parler de "ça" ?
"C'est toujours autant d'actualité. Je sais que certains vont dire qu'on est obsédés mais ce n'est pas nous qui sommes obsédés ! C'est l'actualité et ceux qui la font qui sont obsédés. Et ceux qui la font ce sont les terroristes !", estime Gérard Biard.
"Après Copenhague, on va encore être obligés de parler de ça ! Mais il y aussi Dominique Strauss-Kahn, heureusement qu'on l'a celui-là !", sourit-il à propos de l'ancien patron du FMI dont la relaxe a été requise au procès du Carlton. Outre le terrorisme et DSK, le prochain Charlie parlera de la Grèce avec une interview du nouveau ministre grec des Finances Yanis Varoufakis.
La rédaction, toujours hébergée dans les locaux de Libération, devrait encore rester là quelques semaines avant d'emménager, peut-être, dans le XIII ème arrondissement de Paris, où l'équipe a visité des locaux. Mais la sécurité passe désormais avant tout.
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