Sur fond de crise économique et de pénuries au Venezuela, le président Nicolas Maduro a intensifié son offensive contre l'opposition avec l'arrestation du maire de Caracas Antonio Ledezma, placé vendredi en détention provisoire.
M. Ledezma, 59 ans, une figure de l'opposition, a été brutalement interpellé jeudi soir dans ses bureaux par plusieurs dizaines d'agents des services secrets (Sebin) équipés d'armes, de cagoules et de gilets pare-balles.
Deux procureurs lui ont signifié vendredi qu'il était poursuivi pour "son implication présumée dans des faits complotistes pour organiser et exécuter des actions violentes contre le gouvernement".
Le parquet a ensuite ordonné son placement en détention provisoire et son incarcération dans la prison de Ramo Verde, près de Caracas, où est enfermé depuis un an un autre dirigeant de l'opposition, Leopoldo Lopez.
Les autorités reprochent à M. Ledezma d'avoir apposé, avec d'autres opposants, sa signature au bas d'une lettre ouverte publiée la semaine dernière dans la presse et appelant à une transition démocratique à la tête du Venezuela.
Le président Maduro est intervenu publiquement dans la soirée de jeudi, peu après l'arrestation de M. Ledezma, dans une allocution radio-télévisée de près de deux heures. M. Ledezma "doit être inculpé par la justice vénézuélienne pour qu'il réponde de tous les délits commis contre la paix dans le pays, la sécurité, la Constitution", a annoncé le président socialiste, se référant à une tentative présumée de coup d'Etat qu'il avait dénoncée le 13 février.
Elu maire de Caracas en 2009, réélu en 2013, Antonio Ledezma est un vétéran de l'opposition vénézuélienne, ancien sénateur, député et gouverneur du district de Caracas. Il a rejoint derrière les barreaux d'autres opposants tels Leopoldo Lopez, fondateur du parti Voluntad Popular, incarcéré depuis le 18 février 2014, ou Daniel Ceballos, ancien maire de San Cristobal.
C'est de cette ville de l'ouest du pays que sont parties les manifestations étudiantes antigouvernementales qui ont secoué le Venezuela entre février et mai 2014 et au cours desquelles 43 personnes ont été tuées, selon le bilan officiel.
- 'Le Vampire' -
"Ces derniers jours où l'on parle tant de coups d'Etat, nous assistons à un coup de la part de l'Etat", a déclaré vendredi Jesus Torrealba, secrétaire général de la coalition d'opposition La Table de l'unité démocratique, (MUD).
Et le leader de l'opposition Henrique Capriles, deux fois candidat à l'élection présidentielle, a exigé que le pouvoir présente les preuves des projets de coup d'Etat qu'il dénonce. "Maduro croit-il qu'en nous mettant tous en prison il va récupérer 50 points de popularité ou gagner les élections?", a lancé M. Capriles devant la presse.
Héritier politique du président Hugo Chavez mort en mars 2013, Nicolas Maduro a jalonné ses deux ans de mandat de dénonciations de tentatives de coup d'Etat ou de meurtre, sans jamais parvenir à faire oublier la grave crise économique qui plombe sa gestion. Sa cote de popularité a plongé à 20% d'opinions favorables.
A quelques mois des élections législatives, les indicateurs économiques sont tous au rouge.
L'inflation a battu en 2014 un nouveau record (68,5%), les pénuries de denrées alimentaires ou de médicaments se multiplient et malgré un contrôle des changes strict instauré en 2003, les devises manquent en raison de la chute mondiale des cours du pétrole, principale ressource du Venezuela, qui dispose des plus importantes réserves de la planète.
Dans ce contexte, le modèle socialiste impulsé par Hugo Chavez, mêlant étatisation croissante de l'appareil économique et vaste redistribution de la manne pétrolière, s?essouffle.
Par la voix de leur sous-secrétaire d'Etat pour l'Amérique latine, Roberta Jacobson, les Etats-Unis, accusés par Caracas de soutenir les tentatives présumées de coup d'Etat, se sont déclarés "profondément" inquiets de "l'escalade des intimidations" contre les opposants.
Dès jeudi soir, le département d'Etat américain avait qualifié de "sans fondement et fausses" les accusations vénézuéliennes.
L'arrestation du maire de Caracas a suscité la préoccupation dans plusieurs capitales latino-américaines.
Le président colombien Juan Manuel Santos a souligné la nécessité "que les droits des opposants soient respectés" au Venezuela. Le gouvernement chilien a exprimé sa "préoccupation" devant "la polarisation" de la situation politique à Caracas.
Le secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA), José Miguel Insulza, a jugé l'arrestation du maire du Caracas "très alarmante".
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