Une peine maximale de trois ans de prison ferme a été requise vendredi au procès Bettencourt contre le photographe François-Marie Banier, ex-confident de la milliardaire Liliane Bettencourt, jugé pour "abus de faiblesse", la relaxe étant en revanche demandée pour l'ex-ministre UMP Eric Woerth.
A l'issue de six heures d'un réquisitoire méticuleux, le procureur adjoint Gérard Aldigé a réclamé de la prison ferme à l'encontre de quatre des dix prévenus et un an avec sursis contre un des notaires de Liliane Bettencourt. Selon lui, "ils ne pouvaient ignorer la situation de faiblesse" de la femme la plus riche de France à l'automne 2006 "quand ils ont accepté ses cadeaux".
Faute de "charges suffisantes" ou au "bénéfice du doute", il a aussi demandé la relaxe pour quatre d'entre eux: le député de l'Oise Eric Woerth, l'entrepreneur audiovisuel Stéphane Courbit, l'avocat Pascal Wilhelm et le notaire Patrice Bonduelle.
Concernant l'ex-infirmer de Liliane Bettencourt, Alain Thurin, entre la vie et la mort depuis une tentative de suicide le 25 janvier à la veille du procès, le représentant du ministère public a demandé qu'il soit jugé ultérieurement, même s'il a rappelé avoir requis un non-lieu à son égard à l'issue de l'instruction.
Principale cible du parquet, François-Marie Banier, poursuivi pour avoir obtenu de la milliardaire 400 millions d'euros, a subi les foudres de l'accusation, qui l'a décrit comme un "chef de meute responsable de la destruction d'une famille entière".
Un "menteur" et "flagorneur", qui tenait sous son "emprise totale" une Liliane Bettencourt "vulnérable" pour lui soutirer donations, faramineux contrats d'assurance-vie, tableaux de maîtres, etc Usant de "toute la panoplie d'un gourou", il identifie les "failles de sa cible", la séduit et la flatte. "Dès lors qu'elle est dans ses filets, il ne l'a plus lâchée, elle est devenue sa chose", a insisté le procureur.
"Pour obtenir ce qu'il convoitait", "nous avons des preuves à foison qu'il a réussi à faire le vide autour d'elle, l'isolant de sa fille, dénigrant jusqu'à André Bettencourt, son mari", a-t-il ajouté. Il a justifié la peine maximale (trois ans de prison et 375.000 euros d'amende) en raison de "l'immense préjudice moral et personnel" au détriment de Liliane Bettencourt, aujourd'hui âgée de 92 ans et sous tutelle.
- "Apporter la preuve" -
Des peines de trois ans de prison, dont 18 mois avec sursis, et 375.000 euros d'amende, ont été requises à l'encontre du compagnon du photographe, Martin d'Orgeval, "l'ombre de Banier", qui "n'a rien perdu du festin", et de l'ex-gestionnaire de la fortune de l'héritière du groupe de cosmétiques L'Oréal, Patrice de Maistre.
D'après le procureur, l'homme de confiance, qui "devait être le protecteur et a trahi pour rejoindre la meute", ne "pouvait ignorer que Liliane Bettencourt était en situation de vulnérabilité". "C'est donc en toute connaissance de cause que vous l'avez conduite à des actes préjudiciables à sa situation financière et sa réputation", a lancé Gérard Aldigé au financier, poursuivi pour "abus de faiblesse" (12 millions) et "blanchiment".
Le procureur a en revanche estimé qu'il "n'existait aucune charge et preuve suffisante de la culpabilité" d'Eric Woerth, poursuivi pour "recel" d'une somme -- au moins 50.000 euros -- que lui aurait remise en 2007 Patrice de Maistre, alors que le ministre était trésorier de campagne du futur président Nicolas Sarkozy, lui-même initialement poursuivi dans cette affaire hors normes avant d'être mis hors de cause.
"Les coïncidences sont effectivement troublantes, mais il faudrait apporter la preuve que ces remises d'argent ont bien été faites", a-t-il rappelé, en référence à quatre millions d'euros transférés par Patrice de Maistre depuis des comptes en Suisse de Liliane Bettencourt, non-déclarés. "Et qu'il savait que cet argent provenait d'un abus de faiblesse au détriment de Liliane Bettencourt", a-t-il souligné.
Autres demandes de relaxe, celles en faveur du patron de Lov Group Industries, Stéphane Courbit, et de Pascal Wilhelm, poursuivis pour avoir incité Liliane Bettencourt à investir 143 millions d'euros dans Lov Group. Dans les deux cas, le Procureur a estimé que cet investissement n'était pas "préjudiciable" à la milliardaire.
Une peine de deux ans de prison ferme et 375.000 euros d'amende a également été requise contre Carlos Vejarano, ainsi qu'un an avec sursis et 50.000 euros d'amende contre le notaire Jean-Michel Normand, "caisse enregistreuse" des actes d'abus de faiblesse des principaux prévenus.
Les plaidoiries de la défense commenceront à partir du lundi 23 février et devraient se poursuivre jusqu'au mercredi 25 février.
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