La présidente argentine Cristina Kirchner fait face mercredi à sa première mobilisation de masse, une marche silencieuse convoquée par des magistrats et l'opposition, depuis la mort il y a un mois du procureur Alberto Nisman, qui l'accusait d'entrave dans l'enquête sur un attentat antijuif en 1994.
Aux cris de "Justice !", une marée humaine a accueilli sous une pluie battante et les applaudissements les six procureurs qui ont convoqué cette marche entre le Congrès et la Place de Mai, siège de la présidence à Buenos Aires.
D'autres défilés sont prévus ailleurs dans le pays ainsi que dans plusieurs capitales dans le monde.
L'ex-femme du procureur Nisman, la juge Sandra Arroyo Salgado, et leurs deux filles de 15 et 7 ans, ouvraient le cortège, dans lequel se trouvaient également huit des principaux candidats probables à l'élection présidentielle du 25 octobre et des membres de l'importante communauté juive argentine.
"Je ne pleure pas pour Nisman, je pleure pour toi, Argentine", pouvait-on lire sur une pancarte brandie devant le Congrès.
Le gouvernement a qualifié de "putschiste" le rassemblement et assuré que les accusations du procureur Nisman avaient pour but d'impliquer le pays dans le conflit au Moyen-Orient.
"Je vous demande de bien ouvrir les yeux. Je ne parle pas de conspiration, (mais) il s'agit d'un monde d'intérêts" géopolitiques, a déclaré la présidente dans une intervention retransmise à la télévision avant la manifestation.
- Succès de l'opposition -
L'attentat à la voiture piégée en juillet 1994 contre les locaux de la mutuelle juive de l'AMIA à Buenos Aires, qui a fait 85 morts et 300 blessés, est à l'origine de cette affaire politico-judiciaire.
En charge du dossier depuis 2004, le procureur Nisman, présenté comme proche des Etats-Unis et d'Israël, a rapidement accusé l'Iran d'être le commanditaire de l'attentat.
Peu avant la découverte de son corps le 18 janvier dans la salle de bain de son appartement verrouillé de l'intérieur, une balle dans la tête et une arme à portée de la main, il avait accusé la présidente Kirchner et le ministre des Affaires étrangères Hector Timerman d'entrave à l'enquête.
Il leur reprochait d'avoir couvert les suspects iraniens en échange de contrats commerciaux. Le lendemain de sa mort, il devait présenter les preuves de ses affirmations devant le Congrès.
Les partisans du gouvernement contestent farouchement cette version et dénoncent les liens entre M. Nisman et un sulfureux responsable des services secrets, Antonio Jaime Stiuso, écarté par Mme Kirchner en décembre, qui aurait manipulé le magistrat pour nuire à la présidente.
L'enquête sur sa mort s'oriente vers un suicide, ce qui laisse dubitatifs une immense majorité d'Argentins, sans toutefois que l'on sache qui l'aurait éliminé. Ni comment.
"Il n'y a aucune preuve que notre présidente ou le ministre (des Affaires étrangères, Héctor Timerman) ou qui que ce soit d'autre ait offert l'impunité aux auteurs de l'attentat", a défendu l'ancien procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno Ocampo.
"Cette marche est un catalyseur des revendications sous-jacentes de la société, comme (la critique de) l'impunité. L'affrontement entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire n'est pas nouveau, mais le cas Nisman l'a ravivé", a estimé pour l'AFP le sociologue et politologue Rosendo Fraga.
L'analyste a souligné également le succès que représente cette marche pour l'opposition : "En presque 12 ans de kirchnérisme, l'opposition n'était jamais parvenue à une telle convergence".
La gauche serre toutefois elle aussi les rangs derrière le présidente, qui est parvenue à faire taire - au moins pour l'instant - les voix dissidentes au sein de sa famille politique, où la perspective de la présidentielle attise les ambitions puisque la Constitution empêche Mme Kirchner de briguer un troisième mandat.
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