Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, est arrivé lundi au Caire pour la signature du premier contrat de vente à l?exportation de l'avion de combat Rafale, une consécration pour ce fleuron aéronautique français.
Mais cette vente marque aussi le soutien de Paris au président égyptien Abdel Fattah al-Sissi dans un contexte géopolitique tendu et en pleine répression de toute opposition en Egypte.
L'Egypte a bombardé lundi des positions du groupe Etat islamique (EI) en Libye, quelques heures après la revendication par cette organisation jihadiste de la décapitation de 21 chrétiens coptes égyptiens, kidnappés en janvier.
Le contrat avec l'Egypte, d'un montant de 5,2 milliards d'euros, porte sur la vente de 24 avions Rafale fabriqués par Dassault Aviation, une frégate multimission FREMM du groupe naval DCNS ainsi que des missiles conçus par MBDA.
"C'est un contrat exceptionnel pour nos industries de défense qui valorise le Rafale un avion très performant", a commenté M. Le Drian, parlant aussi d'un "bon contrat pour DCNS".
Menée en un temps record, à peine trois mois, cette vente à l?initiative de l?Egypte marque le souhait du Caire de diversifier ses sources d'armements et de s'affranchir de la tutelle américaine, dont elle était très dépendante jusque-là.
Elle souligne surtout le soutien affiché de Paris au régime égyptien, dans une région en proie à une profonde instabilité.
"Avec l?Égypte, ça s'est fait très rapidement", a expliqué le président français François Hollande la semaine passée. "D'abord parce que l'Égypte voulait un avion de grande qualité" et "rapidement compte tenu des menaces qui existent autour de ce pays".
Paris, comme les autres capitales occidentales et nombre d?Etats dans la région, s?inquiète notamment des risques de déstabilisation régionale engendrés par la présence des jihadistes de l'EI en Syrie et en Irak, mais également au-delà.
"Le président Sissi a une nécessité stratégique, c'est d'assurer la sécurité du canal de Suez, par lequel passe une grande partie du trafic (maritime) mondial", a déclaré lundi M. Le Drian. "C'est la première raison de l'urgence d'avoir à la fois les capacités navales et aériennes pour assurer cette sécurité".
Avant d'atterrir en milieu d'après-midi au Caire en compagnie du PDG de Dassault Aviation, Eric Trappier, le ministre français avait souligné que l'Egypte était confrontée "au risque fondamentaliste" dans la péninsule du Sinaï, mais également au groupe Etat islamique en Libye, pays qui partage plus de 1000 km de frontière avec l'Egypte.
"Il y a dans le chaos libyen des risques de jonction entre ce qu'est Daech au Levant (Syrie, ndlr) et Daech en Libye", a-t-il ajouté.
- "Répression sans précédent" -
Paris n?a donc pas donné d?échos aux critiques des défenseurs des droits de l?Homme, qui pointent un bilan "alarmant" du président Sissi depuis son arrivée au pouvoir, quand il a destitué en juillet 2013 son prédécesseur élu, l'islamiste Mohamed Morsi.
Peu avant l?annonce du contrat, Amnesty International France avait appelé Paris à "suspendre tous les transferts d?armes" à l'Egypte en raison de la "répression, sans précédent depuis 30 ans" dans le pays.
"Le développement et la démocratie, c'est postérieur à la sécurité. Le maréchal Sissi a été élu par son peuple et prépare des élections législatives. La sécurité est l'élément d'urgence pour ce pays", a jugé M. Le Drian.
"Nous ne partageons pas toutes les actions menées par l'Egypte mais l'essentiel c'est d'avoir un grand pays comme l'Egypte stabilisé pour assurer demain la stabilité globale de la zone", a plaidé M. Le Drian.
Paris a choisi de "jeter un voile pudique sur les vrais sujets des droits de l'Homme dans l'Egypte de Sissi. C'est un choix politique assumé", résume Camille Grand, directeur de la Fondation pour la Recherche stratégique (FRS).
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