Poumon de l'économie belge depuis des siècles, le secteur diamantaire d'Anvers traverse de nouvelles turbulences depuis l'éclatement du SwissLeaks, après avoir déjà été mis en cause dans de multiples affaires de fraude fiscale et de blanchiment de "diamants du sang".
Sur les quelque 3.000 Belges cités dans les listings de propriétaires de comptes anonymes à la banque suisse HSBC Private Bank, "pas moins de 916 se déclarent liés au commerce du diamant", explique le quotidien belge Le Soir, qui a participé à l'enquête ayant débouché sur le SwissLeaks.
Depuis 500 ans, le grand port du nord de la Belgique s'est forgé une place prépondérante dans le diamant, qui lui a valu le surnom de "capitale mondiale du diamant". D'abord spécialisée dans la taille et le polissage de pierre, Anvers s'est tournée vers le commerce de pierres brutes, rappelle l'Antwerp World Diamond Centre (AWDC), l'organisme représentatif des diamantaires anversois.
Au total, 84% des diamants bruts et 50% des diamants polis du monde entier passent par la ville flamande. En 2014, elle a exporté pour 58,8 milliards de dollars (51,6 milliards d'euros) de diamants polis.
Pour la Belgique, l'importance du secteur est tout sauf négligeable. Les diamants représentent 5% du total des exportations du royaume, et 15% de ses exportations en dehors de l'UE, selon AWCD.
Traditionnellement aux mains de l'importante communauté juive orthodoxe, l'activité a connu un coup d'arrêt pendant la Seconde guerre mondiale, au cours de laquelle la communauté juive d'Anvers a été décimée. Sur quelque 27.000 personnes qui travaillaient dans ce secteur avant la guerre, il n'en restait que 3.500 à la fin, selon l'AWDC. Mais l'industrie se relança rapidement dès 1945.
- 'Diamants de sang' -
Depuis une trentaine d'années, la communauté indienne s'est taillée une place prépondérante dans la "capitale mondiale du diamant". Installés à l'origine pour s'approvisionner en pierres brutes, les Indiens contrôlent à présent 70% du volume de l'import-export de diamants à Anvers. C'est aussi en Inde que s'est déplacée une grande part de l'activité de taille et de polissage, coûts réduits de la main d??uvre oblige.
Avant même d'être épinglé par les révélations du SwissLeaks, les diamantaires d'Anvers avaient vu leur réputation ternie ces dernières années par plusieurs scandales retentissants lorsque les autorités belges, longtemps complaisantes, ont renforcé leurs contrôles et que la législation européenne contre la fraude s'est durcie.
L'affaire la plus spectaculaire a éclaté au milieu des années 2000. Elle a touché l'un des plus importants groupe anversois, Omega Diamonds, dont les trois dirigeants ont fui la Belgique après les révélations d'un ancien salarié devenu "lanceur d'alerte", David Renous.
Le fisc a saisi au siège du groupe pour 125 millions de dollars de "diamants de sang", ces diamants issus du continent africain, vendus en toute illégalité et qui alimentent de nombreux conflits. L'administration fiscale a accepté en 2013 de clore une partie des poursuites, contre un redressement de 160 millions d'euros.
Omega Diamonds aurait importé pour des milliards d'euros de diamants en provenance de pays ayant connu de longs conflits, en particulier l'Angola et la République démocratique du Congo (RDC), en contournant les gardes-fous mis en place au niveau international, comme le processus de Kimberley, et en omettant de déclarer ses revenus. "Selon l'Etat belge, Omega lui doit la somme ahurissante de 4,6 milliards d'euros", écrit le journal français Le Monde dans sa série d'articles sur le SwissLeaks.
Selon les documents en provenance de HSBC, qui est inculpée en Belgique, comme en France, pour fraude fiscale et blanchiment, les pratiques illégales se sont répandues à tous les échelons de la place anversoise, touchant des responsables des diverses bourses où s'échangent les diamants, et même l'AWDC.
Santosh Kedia, un diamantaire anversois d'origine indienne, a ainsi dû quitter le comité de direction, son nom apparaissant dans les fichiers de HSBC au main de la justice belge.
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